L'interprète de l'éternelle chanson Rah El Ghali Rah est décédé mercredi soir. Le pilier de la chanson chaâbi, Boudjemaâ El Ankis s'est éteint à l'hôpital militaire Aïn Naâdja à l'âge de 88 ans. De son vrai nom Mohamed Arezki Boudjemaâ, il est né à La Casbah en 1927, dans une famille originaire d'Azzefoun en Kabylie. Il a passé sa jeunesse entre La Casbah et Notre-Dame d'Afrique, puis s'est installé à Bordj El Kiffan, à l'est d'Alger, après l'indépendance. Cheikh Boudjemaâ El Ankis est une grande figure de la chanson chaâbi. En plus du fait qu'il était doué dès son plus jeune âge, il a fréquenté les grandes écoles. A ses débuts, l'artiste s'est intéressé à la poésie melhoun et à la chanson du patrimoine. Ce sont ses influences qui ont fait de lui l'un des piliers de la chanson châabi. Cheikh El Ankis a donc contribué à la sauvegarde du patrimoine via ses chansons. A un moment donné de sa carrière, El Ankis a cherché à sortir des sentiers battus ; c'est là qu'il a sollicité le parolier Abdelhakim Garami, auteur de la célèbre chanson Chhilet Laâyali qu'il avait lui-même commandée en 1952. Même s'il n'est pas derrière le succès de la chanson, il reste néanmoins celui qu'il l'a commandée au parolier et son premier interprète. Durant la guerre de Libération nationale, l'artiste, solidaire avec les frères, arrête sa carrière musicale, ce qui n'était pas facile pour le mordu de châabi qu'il était. Après l'indépendance, Boudjemaâ El Ankis rencontre l'auteur-compositeur-musicien Mahboub Bati, qui lui compose ses plus grands succès. C'est là que sa carrière s'envole et qu'il remporte un succès fulgurant. Par la suite, l'artiste cherche à se réinventer car il veut s'adapter à la société. C'est alors qu'il rencontre Mohamed El Badji, qui lui écrit certains de ses plus grands succès, notamment El Meqnin Ezzine, puis Bahr Atoufan ou encore Essaâ El Akhira. Fin 1990, il a enregistré une chanson religieuse puis s'est retourné vers le melhoun. Abdelkader Bendamèche, qui l'a beaucoup côtoyé, «surtout ces dernières années depuis le premier Festival national de la chanson chaâbi en 2006 où il était président du jury et jusqu'à 2012», se rappelle de l'incroyable bosseur qu'il était. «Je ne me rappelle pas d'anecdotes drôles avec lui car c'était une personne très sérieuse quand il s'agit de travail» se souvient-il. Il poursuit : «Sans surprise, il aimait beaucoup El Anka, d'ou son appellation d'El Ankis, ou petit El Anka. Son parcours nous laisse admiratifs de l'artiste et de l'homme formidable qu'il était. C'est justement son parcours qui lui a permis d'entrer dans l'histoire.» Abdelkader Bendamèche ajoute : «Comme tous les grands artistes, il a rencontré des difficultés qui l'ont forgé et aidé à construire une carrière comme la sienne.» En plus d'avoir enseigné son savoir à plusieurs générations et laissé un patrimoine riche derrière lui, Boudjemaâ El Ankis a transmis son amour du châabi à ses deux fils, Mokhtar et Hakim. Bendamèche se dit d'ailleurs fier du parcours des deux enfants du défunt, qui sont «des chanteurs de chaâbi de qualité qui ont suivi la voie de leur père», estime le spécialiste. «Boudjemaâ El Ankis a beaucoup influencé le maître Amar Ezzahi, considéré lui aussi comme un des piliers de l'école châabi», conclut Bendamèche.
Le cheikh ne voulait pas d'hommage officiel Dernière volonté de l'artiste : ne pas organiser d'hommage en son honneur, avoue son fils, Mokhtar El Ankis. Et c'est d'ailleurs ce qui explique l'annulation, hier matin, de la cérémonie de recueillement sur sa dépouille que le ministère de la Culture comptait organiser au palais de la culture Moufdi Zakaria, et ce, à la demande de sa famille. La levée du corps s'est alors faite au domicile du défunt, à Bordj El Kiffan, avant son inhumation au cimetière El Kettar en début d'après-midi. A ses fans, son fils promet d'autres révélations.