Le chanteur, Abderrahmane El Kobi, a regretté la disparition d'un artiste « modeste » aux qualités humaines exceptionnelles, et qui a « beaucoup œuvré » pour enrichir la chanson chaâbi et assurer une « relève et une continuité dans la musique algérienne ». Abderrahmane El Kobi, qui avait vu dans son jeune âge Boudjemaâ El Ankis « animer des fêtes dans sa propre famille », a également salué la mémoire d'un artiste populaire, sociable et accessible qui a toujours été « un mentor » pour les jeunes interprètes sans « jamais accorder d'importance » à l'aspect financier ni au succès. Pour sa part Abdelkader Chaou a rendu hommage à celui qui a, avec le poète Mahboub Bati, « ouvert la voie à la chansonnette et à une génération de grands interprètes » de la chanson châabi, à l'instar d'Amar Ezzahi et El Hachemi Guerouabi. Abdelkader Bendamèche, président du Conseil national des arts et des lettres et spécialiste du châabi, a évoqué « un artiste qui a inscrit son nom en lettres de noblesse dans l'histoire du châabi », à la fois dans la sauvegarde du patrimoine et dans l'ouverture sur la chansonnette, notamment avec « Chilet laâyani », une pièce maîtresse du châabi qu'il avait lui-même commandée en 1952 au parolier Hakim Grami. Après l'indépendance, poursuit-il, le répertoire du défunt prendra « une autre dimension » avec le parolier Mahboub Bati, puis encore avec Mohamed El Badji (« Bahr Ettofane », « Essaâ El Akhira », etc.), avant un « retour au patrimoine » du melhoun à la fin de sa vie. Concernant son héritage, Bendamèche rappellera l'influence du défunt sur le maître Amar Ezzahi, considéré comme une « école du châabi ». Dans une vidéo rare, Amar Ezzahi, accompagné du défunt, témoigne avoir animé sa première scène en 1963 « grâce à Boudjemâa El Ankis qui lui avait confié sa mandole », souhaitant le voir à l'œuvre dans une fête familiale. Pour sa part, le poète et parolier, Mohamed Kerba, qui a côtoyé le défunt pendant une vingtaine d'années, a salué la mémoire du premier « chantre » qui a répondu au besoin de la jeunesse « d'écouter de la musique algérienne » au lendemain de l'indépendance, en plus d'avoir « exprimé et sublimé les états d'âme et les sentiments » de toute un génération à travers son art. Animateur d'une émission de radio dédiée au châabi et aux jeunes interprètes, Mohamed Kerba a mis en avant la grande générosité de celui qui n'a « jamais hésité à animer » des soirées pour les jeunes ou des fêtes familiales dans son quartier, en plus d'avoir pris sous son aile ceux qui voulaient apprendre. Dans un communiqué, le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, a regretté la disparition d' « un des plus grands artistes algériens » qui a beaucoup « donné pour la musique algérienne et la chanson châabi » qu'il avait sublimées par son interprétation. Auteur-compositeur et interprète de la chanson chaâbi, Boudjemâa Mohamed de son vrai nom, né le 17 juin 1927 à la Casbah d'Alger, s'était produit pour la première fois en public en 1942. Il avait côtoyé de grands noms de la musique algérienne de l'époque tels que Saïd El Meddah, Ahmed Serri, Hadj Mrizek et le cardinal El Hadj Mhamed El Anka. Au lendemain de l'indépendance, l'artiste a été propulsé au devant de la scène par le célèbre auteur Mahboub Bati, notamment avec des chansonnettes telles que « Ah Ya Ntya », « Rah El Ghali Rah » ou encore « Tchaourou Aalya ». Laissant derrière lui un répertoire riche de plus de 300 chansonnettes, le défunt a été inhumé, jeudi dernier dans l'après-midi, au cimetière d'El Kettar à Alger.