Emotions - Un jubilé spécial en l'honneur de Cheikh Boudjemaa El-Ankis, l'un des chantres de la chanson chaâbie, a eu lieu, jeudi, à la salle Ibn Zeydoun (Riad-el-feth). Ce vibrant hommage rendu par ses pairs et auquel ont pris part les fils de l'artiste, Mokhtar et Hakim ainsi que des amis à l'instar de Cheikh Namous et d'autres ayant connu ou côtoyé le maître, à savoir Nardjes, Abdelkader Chaou… se voulait, l'instant d'une soirée, un moment de rencontre, de retrouvailles, de partage et de remémoration, et donc un moment d'intenses émotions. La soirée a été, en outre, marquée par la projection d'un film documentaire consacré à la vie et au parcours musical de Cheikh Boudjemaa El-Ankis. Il y a eu ensuite une prestation musicale animée par l'ami du maître le Cheikh Namous ; celui-ci a gratifié l'assistance, nombreuse, d'un récital touchant et émouvant. Il a interprété des chansons de Cheikh Boudjemaa El-Ankis, telle la légendaire ‘Rah el ghali rah'. Plus tard, Mehdi Tameche a enchanté le public en interprétant des chansons de cet artiste qui a consacré une partie de sa vie à la musique chaabie. Nardjes a, pour sa part, interprété, avec brio, des chansons ancrées dans les mémoires telles que ‘Ana Touiri', ‘Aïni Chket maa qalbi' et ‘Aman aman ala ezman'. Yacine Ouaabed (ami et parolier de feu Kamel Messaoudi) a enchanté la salle par ses textes, des poèmes rythmés, subtils… Il a narré en rimes l'histoire de la Casbah. Même s'il semblait fatigué, usé par l'âge, Cheikh Boudjemaa El-Ankis, très ému, a tenu à s'exprimer : «Je ne pensais pas avoir une telle popularité. Je ne trouve pas les mots pour vous exprimer ma joie.»Notons que cet hommage rendu à Cheikh Boudjemaa El-Ankis qui, comme tant d'autres de sa génération, a modernisé le chaâbi, n'est que la juste reconnaissance d'une carrière riche, jalonnée de grands succès, d'une vie entièrement vouée sincèrement et avec foi à l'art. Il a su le démocratiser, donc le populariser, en l'algérianisant définitivement. Ce n'est plus un genre musical propre à la ville d'Alger, mais un art qui appartient à la mémoire collective. C'est avec Cheikh Boudjemaa El-Ankis que le chaâbi s'est affranchi de l'académisme stéréotypé et du rituel classique (c'était l'époque où l'on s'accrochait aux anciens textes du melhoun tout en faisant l'impasse sur des préoccupations artistiques et thématiques immédiates). Ce grand artiste a alors innové le chaâbi, en écrivant des textes dans la langue populaire, comprise de tous, des textes puisés dans la vie de tous les jours. La musique, quant à elle, est aérée, rendue plus perceptible, assimilable à l'ouïe avec des notes plus harmonieuses. A noter enfin que cet hommage a été organisé sous le haut patronage de la ministre de la Culture, en collaboration avec l'Office Riadh El Feth. Cet artiste émérite Cheikh Boudjemaa El-Ankis, qui a brillé sur la scène artistique grâce à son travail et à une abnégation sans faille, s'est montré, tout au long de sa carrière, plein de hardiesse et d'entrain. Il a été à la fois audacieux et prolifique novateur. Né le 17 juin 1927 à Zenkat Ennakhla à Bir Djebbah (Casbah), Boudjemaa El-Ankis a fréquenté l'école Ibrahim-Fettah et obtenu son Brevet d'enseignement primaire en 1939. Fortement influencé par le maître de la chanson chaabie Cheikh El-Hadj M'hamed El-Anka, il décide de suivre ses pas et rejoint, en 1941, la troupe musicale de Cheikh Hamdane Kebaïli. En 1944, Boudjemaa El-Ankis forme sa troupe musicale. Galvanisé par le succès, Cheikh Boudjemaa El-Ankis se met à faire un travail personnel d'arrangement musical et, au milieu des années 50, il se lance alors dans la chansonnette.Un créneau qui, plus tard, sera exploité par des chanteurs tels que Amar Zahi, El-Hachemi Guerouabi, Hassen Saïd, Amar El-Achab et autres talents avérés. Ainsi, Cheikh Boudjemaa El-Ankis en est le digne pionnier.