Au palais de la culture et des arts Mohamed Boudiaf de Annaba, le colloque national étalé sur deux journées d'étude a mis en scène l'univers de la musique citadine. C'était comme si en ces derniers mercredi et jeudi, sortant du demi-sommeil de l'été où elle s'était enlisée, cette infrastructure culturelle avait décidé de renouer avec sa vocation. Il s'agissait de réaliser pour la première fois, une rencontre entre musicologues et gens du monde lyrique amoureux de la musique, genres andalou et malouf. L'ampleur de la manifestation, synonyme d'un retour aux sources, a apparemment laissé de marbre le président de l'association des Arts lyriques, puisque absent. Durant ces deux journées, les musicologues présents ont joué de contrastes, exprimé des paradoxes et répondu, même succinctement, à des interrogations sur telle ou telle autre approche de l'andalou et du Malouf. Quelque peu embrouillons, Aïcha Khelaf, Mohamed El Almi, Hichem Achi, Abdelkader Bendaâmache et Mohamed Lakhdar Boubakeur ont dénoncé d'une manière subtile un grand nombre de situations. Telles celles des « catégories » de musiques et de chansons dans lesquelles certains chanteurs et musiciens avaient pris l'habitude de cloisonner le public à l'occasion des festivals et autres concerts. Un à un, les musicologues venus de plusieurs régions du pays, y compris la lointaine Tlemcen, ont parlé de la création musicale sous diverses formes. A travers des exemples précis d'hommes interprètes ou compositeurs disparus, ils ont parlé de l'andalou et du malouf en donnant à ces deux musiques le pouvoir et l'aura mystérieuse qui leur sied. Dans les interventions de ces quatre musicologues, l'on a senti cette tendance à parler d'écoles de musique de plusieurs siècles. C'était comme si l'œuvre Le Malouf ses compagnons de route de l'historien, le regretté H'sen Derdour, les avait inspirés. L'on a abordé les mélodies langoureuses et les beaux et voluptueux accords et rythmes du madh classique, l'andalou et le malouf, de l'échelle et de la note dominante de ces deux genres de musique. Dans les propos des intervenants, se sont succédé des termes précis sur le zeïdène, raml, hsine, raml-maya, le haouzi et le mahjouze, le zejel… Dans leurs propos, Mohamed El Almi comme Hichem Achi donnaient l'impression de vouloir stimuler la remise sur les rails des élans créateurs. Ceux-là même qui, hier, animaient la diversité des individus du monde lyrique algérien et qui aujourd'hui sont marginalisés. « La musique andalouse permet de peindre l'intérieue en musique. Elle permet aussi de communiquer avec les autres et de les comprendre », avait expliqué dans ses différents écrits H'sen Derdour. A Annaba, pour cette première rencontre, organisée par le commissariat du Festival de la chanson citadine, présidée par Driss Boudiba, l'actuel directeur de la culture de Annaba, les musicologues ont voulu ouvrir de grands pans de l'histoire de l'andalou et du malouf. En quelques phrases, ils ont reconstitué des étapes à travers les âges et les civilisations. L'on est successivement passé de Fes (Maroc), berceau de la musique andalouse, à Kairouan (Tunisie) en passant par Tlemcen, Constantine, Annaba (Algérie). L'événement s'est plu à ébranler des certitudes bien installées et les a priori en multipliant les surprises au détour d'une ligne d'une communication ou d'une intervention. Se sont ainsi succédé des désillusions et des émerveillements de ceux qui ont vécu par et pour l'andalou et le malouf. Les participants à ces deux journées, ils n'étaient pas nombreux, ont été heureux de découvrir des aspects pratiquement inconnus de ces deux types de musique. Ils furent quelque peu heurtés, gênés même par des voisinages qui n'ont fait, pour toute raison d'être, que brailler lors des festivals et concerts. Ces deux journées riches en enseignements ont traduit la volonté hâtive de la direction de la culture de Annaba de dépasser les limites locales. L'on est resté, tout de même, sur un goût de trop peu, avec cependant le bonheur de la découverte de curiosités lyriques levées vers Cordoue. C'est pourquoi l'on attendra avec impatience le Festival national de la musique et de la chanson citadines. Il est prévu pour bercer nos soirées ramadanesques du 3 au 11 octobre prochain. Driss Boudiba, la cheville ouvrière de cette manifestation, a annoncé la participation de grands noms des arts lyriques.