Madame Courage, le dernier opus de Merzak Allouache, est en compétition ce 6 septembre à Venise (section Orizzonti). Madame Courage, pour les non-initiés, c'est l'appellation familière qui désigne toute la gamme de psychotropes désormais très prisés en Algérie, particulièrement dans les milieux populaires. Et les milieux populaires, c'est l'univers dans lequel plonge Merzak Allouache pour signer un film d'une grande force autant thématique que cinématographique. Prolongeant son exploration au scalpel de la société algérienne, telle qu'entrevue dans Les Terrasses son précédent film qui a remarquablement «marché» en France (plus de 30 000 entrées), Merzak Allouache, qui avait réalisé un film choral (27 personnages principaux), revient à ses premières amours, à savoir peu de personnages en première ligne, avec un héros, l'étonnant Adlane Djemil, une découverte, qui interprète le rôle d'Omar. Omar vit dans une baraque des faubourgs de Mostaganem en compagnie de sa mère, veuve depuis cinq ans et de Sabrina sa jeune sœur. Livré à lui-même, Omar, qui vit de chapardages et de vols à la tire, colliers et sacs de femmes exclusivement, subit au quotidien les sarcasmes et les insultes d'une mère, laquelle «cornaque» sa fille prise dans l'étau de la prostitution et la violence de son souteneur, un dénommé Mokhtar. Le quotidien du jeune Omar va se trouver chamboulé lorsqu'un jour, pris de remords, il restitue à Selma (Lamia Bezouaoui), une lycéenne, le collier (une Khamsa) dont il s'est emparé auparavant. Cette rencontre va éveiller chez le jeune homme une humanité qu'il pensait disparue et les sentiments dont il se croyait définitivement privés. Mais l'amour, au sens noble du terme, n'a pas sa place dans cet univers où les déshérités n'ont souvent que la violence pour seule compagne. Repéré par le frère de Selma qui se trouve appartenir à la police, il sera «bousculé» lors d'un interrogatoire mené manu militari par Redouane uniquement soucieux de la nature des relations qu'entretiennent les deux jeunes gens. Or, Omar n'a rien d'un prédateur sexuel, bien au contraire. Il nourrit pour Selma une flamme platonique qui réveille en lui une douceur jusque-là inconnue. Et c'est la forme même de cette relation contrebattue par l'entourage familial de la jeune Selma qui donne sa dimension poétique au film (scène au cours de laquelle Omar emmêle ses doigts dans les cheveux de la jeune lycéenne après lui avoir retiré son voile). La conduite du récit jusqu'à son dénouement amer est menée de haut vol par Merzak Allouache dont la maîtrise technique et la mise en scène ne sont plus pour surprendre le spectateur. Quelques scènes ressortent de l'ensemble, quand par exemple Omar s'abîme dans le regard de Selma qu'il contemple sur un mobile que, cette fois, il a acheté et non volé ! Les cinéphiles remarqueront le clin d'œil à Omar Gatlato, son premier long métrage, dès lors que les deux protagonistes ont les mêmes prénoms : Omar et Selma. Avec un dénominateur commun pour le héros : la frustration amoureuse et… sexuelle. On retiendra de Madame Courage l'originalité avec laquelle Merzak Allouache aborde les conflits de société et les amours impossibles ou contrariés par la chape de plomb de la tradition et de la religiosité qui entravent toute une société avant tout prisonnière d'elle-même.