La seconde phase de l'emprunt obligataire d'Algérie Télécom, ouverte au grand public, est lancée cette semaine. L'opérateur historique de télécommunications souhaite lever 20 milliards de dinars pour financer son développement dans les prochaines années. Le titre obligataire Algérie Télécom est-il un bon placement pour les épargnants ? Sur le plan technique, l'offre Algérie Télécom n'a rien de décoiffant. Le taux d'intérêt en faveur des acquéreurs du titre sera de 4% la première année pour monter jusqu'à 7,9% la cinquième et dernière année avant le remboursement de l'emprunt. C'est un rendement à peine meilleur que celui d'un placement bancaire compte tenu de son avantage fiscal. Qu'est-ce qui peut donc motiver l'achat d'un titre Algérie Télécom qui a déjà distribué pour six milliards de dinars d'obligations chez les institutionnels lors de la première phase de l'emprunt ? Sans doute les promesses portées par le secteur des télécommunications en Algérie et l'espoir de bénéficier d'une hausse de la cotation du titre les années à venir. Après avoir perdu un précieux temps dans sa procédure de divorce avec Algérie Poste, Algérie Télécom et sa filière Mobilis ont bien résisté à l'ouverture du secteur en stoppant la saignée — dramatique — des abonnés sur le fixe et en profitant de l'explosion du volume des appels téléphoniques sur le mobile. Le chiffre d'affaires du groupe a connu une hausse de 30% en 2005 et devrait croître de 15% en 2006 sur un marché du téléphone dont l'expansion fulgurante ne pouvait que se ralentir. Les 20 milliards de dinars que projette d'obtenir sur le marché obligataire Algérie Télécom correspondent au septième de son chiffre d'affaires prévisionnel (140 milliards de dinars) et au quatorzième des besoins de financement de son programme d'investissement 2006-2011, évalué à quelque 276 milliards de dinars. Ce sont des ratios d'endettement du genre à rassurer les investisseurs. Pourtant à regarder de plus près, il y a aussi des raisons d'être prudent avec l'obligation Algérie Télécom. De l'avis de spécialistes, le gros du développement du groupe dans les cinq années sera absorbé par des activités nouvelles dans lesquels Algérie Télécom détient encore un avantage d'opérateur historique, mais un avantage qui est amené à être attaqué au fil du temps. Il en est ainsi notamment de l'accès à l'internet à haut débit sur lequel Algérie Télécom a refait une santé à son portefeuille abonnés de téléphone fixe. La concurrence du second opérateur Lacom promet de diviser un marché qui, il est vrai, est amené à exploser avec les aides de la formule Ousratic. Algérie Télécom a aussi profité de sa position de détenteur de réseaux de base pour être partenaire du système bancaire dans le lancement du réseau interbancaire à fibres optiques, infrastructure qui a permis le basculement vers la télécompensation et qui annonce là aussi une explosion des transactions électroniques autant de gisements de revenus pour le fournisseur des tuyaux qu'est Algérie Télécom. Il n'est pas dit que le développement futur de ce marché et de son corollaire, les réseaux intranet des banques actuelles et futures ainsi que des terminaux à paiements, demeure une chasse gardée de l'opérateur historique. Toutefois, Algérie Télécom tient encore plusieurs encablures d'avance sur la concurrence pour redevenir le premier opérateur télécom sur les nouveaux vecteurs numériques après avoir — anormalement — perdu cette place au profit de Djezzy dans la téléphonie mobile. Ainsi France Télécom a approché l'opérateur public algérien pour l'implantation de la live-box — terminal numérique à haut débit multimédia, qui permet la distribution, entre autres, du son et des images télévision vers les abonnés. C'est probablement sur ce marché spécifique que se jouera en partie le sort de l'obligation mise cette semaine sur le marché. Une grosse interrogation demeure, le grand public sera-t-il plus attentif à ses perspectives intéressantes qu'à la récente mise sous écrou de Brahim Ouarets, le DG d'Algérie Télécom, pourtant élu manager de l'année en 2005 ? Un signal fâcheux qui rappelle que tout peut changer rapidement dans une entreprise algérienne.