La campagne de sensibilisation soutenue, menée par la CNAS, avec en arrière-plan l'assurance d'une discrétion infaillible, n'a pas suscité l'engouement souhaité. On ne se bouscule pas au portillon. La direction générale de la CNAS en charge de l'opération du dépistage précoce du cancer du sein n'a pas été, il est vrai, submergée par les femmes, autrement dit les assurées âgées de 40 ans et plus. De plus, l'opération ne date pas d'hier, puisqu'elle a été lancée en 2010. Cinq années durant lesquelles l'information a eu suffisamment de temps pour circuler. Les statistiques parlent d'elles-mêmes : sur 56 000 convocations adressées par la CNAS de la wilaya de Constantine à ses assurées au cours des cinq dernières années, uniquement 5700 femmes se sont présentées et ont consenti à faire une mammographie, selon un bilan officiel arrêté au mois de juillet 2015. En clair, il y a eu seulement 10% de convocations honorées depuis l'entrée en vigueur de l'opération en 2010. Les appréhensions et l'absence de «culture sanitaire» ont vraisemblablement été plus fortes que les appels lancés par la CNAS en direction des femmes. En 2013, elles étaient 13 000 à avoir fait un dépistage sur 100 000 assurées sociales convoquées au niveau national, au niveau des centres régionaux d'imagerie médicale relevant de la CNAS et domiciliés à Constantine, Jijel, Laghouat et Maghnia créés en 2008, en sus du centre de diagnostic et de dépistage précoce d'Alger. Autant dire que les femmes sont encore très réticentes à accepter de faire une mammographie, une exploration radiologique qui permet de détecter les premiers signes de changement pouvant laisser croire à un début de cancer. Pour les spécialistes en oncologie, les chances de guérir d'un cancer de premier stade sont bien plus élevées que celles d'un cancer à un stade avancé. Sur le plan financier, la facture sanitaire est moins lourde. Elle serait de l'ordre de 300 000 DA pour un cancer dépisté à son début, contre 6 millions de dinars pour un cancer métastasique. La peur du traitement Assurée sociale depuis 16 ans, Fatima Zohra, la quarantaine, enseignante dans un CEM, n'a jusqu'à présent jamais reçu la moindre convocation. Elle n'a fait aucune mammographie. Elle a trop peur de découvrir qu'elle pourrait développer un cancer du sein. «Je pense que même dans le cas où je recevrais un jour une convocation, il y a de fortes chances que je ne m'y rende pas. Par lâcheté, car j'ai peur de ne pas avoir assez de ressources pour faire face au diagnostic, mais surtout à cause du traitement et de la manière désastreuse avec laquelle les cancéreux sont pris en charge dans notre pays. De toute façon je ne suis pas la seule à penser ainsi. Une de mes cousines a pourtant reçu une convocation il y a quelques mois, mais elle a refusé d'aller au centre», confie-t-elle, incapable d'avancer un argument suffisamment valable pour expliquer cette crainte presque viscérale que bon nombre de femmes ressentent dès qu'il s'agit de faire une mammographie. La CNAS n'a donc pas tout à fait réussi, pour l'heure, son pari de sensibiliser une majorité d'assurées pour un dépistage précoce du cancer du sein. Pour le professeur Messaoud Zitouni, ancien médecin personnel de Abdelaziz Bouteflika et chargé d'élaborer le plan national anticancer, «plus la maladie est dépistée à un stade précoce, plus la malade a des chances de guérir». Malheureusement, la plupart des cas sont dépistés à un stade avancé et là, le traitement n'a plus la même efficacité.