Abdelkrim Benyacoub est entré dans l'univers de la photo à 16 ans pour ne plus jamais en sortir. «Je ne savais pas qu'en accédant au labo photo de Bendedouche pour être recruté en tant qu'apprenti, c'est à une véritable carrière que j'allais être destiné». L'adolescent, doué et timide, fera ses premiers pas dans le métier sous la directive «sévère» de Bendedouche, infirmier et photographe de l'ALN à ses heures. C'était en 1969. Le labo photo de la rue Khemisti, près du Grand Garage, sera son premier atelier. Oran était alors la ville qui gardait intact les valeurs de l'école espagnole de la photo, tout un courant qui a énormément déteint sur les photographes de l'époque. Vers 1972, Benyacoub devait passer son service militaire, mais problème, il avait la flemme de passer sous les drapeaux pour 24 mois. «Vous savez, de notre époque, c'était très difficile de vivre dans une caserne militaire. Je commençais à gagner ma vie et Oran devenait une ville des artistes, belle et rebelle !» Finalement, il enfilera son treillis vert et passera son service en tant que factotum et responsable du service photo à la prison militaire de Mers El Kebir. En 1976, Benyacoub ouvre son labo-photo boulevard Fulton, actuellement boulevard Didouche Mourad. Il en garde un très bon souvenir. «Flash photo, le nom de mon magasin, recèle d'innombrables souvenirs. C'est en ce lieu que j'ai fait la connaissance de mes amis et aussi de mes modèles». A cette époque, les années 70 et 80, Oran était devenue un véritable carrefour artistique, une ville où la créativité battait son plein. C'est l'âge d'or du portrait et Benyacoub en sera l'un des artisans. «Je suis parmi les premiers à avoir retouché les clichés. Je peux également me vanter que je suis parmi les pionniers des photographes artistiques», nous révèle, non sans fierté, celui qui sera le portraitiste de Ahmed Wahbi, Alloula, etc. «J'étais le photographe attitré du théâtre. D'ailleurs, progressivement, poursuit et se remémore Benyacoub, j'étais devenu un nom incontournable dans le milieu culturel et artistique de la grande place d'Oran». Si on demandait un photographe, son nom était cité parmi le gotha du moment. Il arrivait même à Benyacoub de troquer son appareil photo pour la caméra puisqu'un bon photographe est un bon cadreur… mais pas forcément le contraire. C'est comme cela que s'achève les années 80. Le début des années 90 sonne comme le glas de cette naïveté et cette nonchalance qui caractérisaient une partie du monde. La bipolarité est-ouest n'est plus. Le monde communiste s'affaisse. Et le monde numérique pointe le bout de son nez. Une révolution ! Benyacoub est désormais photographe indépendant et a abandonné la gestion de son magasin. Il accueille l'émergence de l'appareil photographique numérique avec enthousiasme. «Il permet de se focaliser sur la photo en elle-même. Plus besoin de régler les ouvertures, la vitesse et la sensibilité, l'appareil numérique le fait à votre place et participe à la démocratisation de la photo. Mais attention, dit Benyacoub, avec le numérique on se rend compte très vite si vous êtes fait pour la photo ou non. Le numérique, c'est bien dans la mesure où il libère la créativité». Benyacoub Abdelkrim collabore avec El Watan depuis le début des années 2000. Il est à son 2ème mandat en tant qu'élu à la Chambre de l'artisanat et des métiers. C'est lui, en fait, qui fait le test à toutes celles et ceux qui veulent acquérir la carte d'artisan en photographie. «A défaut d'école de la photo à Oran, je me console avec cette fonction», nous dit celui qui a fait de la photo un mode de vie.