L'Afrique qui a décidé, en 1999, d'exclure de ses rangs les régimes illégitimes, ou plus simplement issus de coups d'Etat, s'est montrée hier fidèle à elle-même, en appelant au retour à la légitimité constitutionnelle ou ce qui tient lieu au Burkina Faso. Mais d'abord un fait majeur, l'Union africaine (UA) a bien menacé de recourir à des sanctions, mais s'est quelque peu ravisée en rappelant que c'est la population de ce pays parmi les plus pauvres au monde qui en paierait le prix. Cruel dilemme face à une situation qui n'est pas nouvelle. Elle est même inédite, puisque le coup d'Etat en question a mis fin à une transition enclenchée au lendemain d'un autre coup d'Etat survenu le 14 octobre 2014, donc moins d'une année. Et comme lors du putsch qui a permis le renversement de Blaise Compaoré, aussi bien les Burkinabés que l'opinion internationale ont droit aux mêmes promesses, celle d'un retour à la légalité constitutionnelle, devenue un slogan vide de sens et qui donne une nouvelle fois, une bien mauvaise image de l'Afrique. Tout cela alors que le pays se prépare à des scrutins législatif et présidentiel le 11 octobre prochain. Ce qui ajoute à l'intrigue, car c'est un proche de l'ancien président Blaise Compaoré, le général Gilbert Diendéré, qui a pris la tête des putschistes qui ont renversé jeudi les autorités de transition au Burkina Faso, promettant d'organiser «rapidement» des élections, ce qui n'a pas empêché que son acte soit très sévèrement condamné. En octobre 2014, les Burkinabés étaient descendus dans la rue par centaines de milliers pour chasser du pouvoir Blaise Compaoré, après 27 ans à la tête du pays. Moins d'un an plus tard, ils ont assisté impuissants à la proclamation, à la télévision nationale, d'un coup d'Etat perpétré par des soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), corps d'élite de l'armée et garde prétorienne de l'ancien président, qui a pris en otages le président intérimaire Michel Kafando, son Premier ministre et deux autres membres du gouvernement. «Notre souhait, c'est de nous réorganiser et d'aller rapidement aux élections», a affirmé jeudi le général Diendéré, ancien chef du RSP sous le régime Compaoré, porté par les putschistes à la tête de leur «Conseil national pour la démocratie» (CND), connu aussi et peut être même surtout pour être un homme de l'ombre impliqué dans le coup d'Etat qui porta au pouvoir son mentor en octobre 1987, au cours duquel avait été assassiné le capitaine Thomas Sankara, père de la révolution burkinabè. Quant aux raisons qu'il avance, il évoque la «loi électorale qui a créé beaucoup de frustrations parmi les potentiels candidats», en référence à un nouveau code électoral controversé interdisant aux partisans de l'ancien président de concourir au prochain scrutin. Une précision toutefois, le RSP, qui compte 1300 hommes, avait déjà à plusieurs reprises perturbé la transition et le coup d'Etat est intervenu deux jours après qu'une commission du régime de transition eut recommandé la dissolution de cette unité pour la fondre dans les effectifs du reste de l'armée. Cette précision pourrait, en réalité, expliquer le coup d'Etat même si d'autres hypothèses sont envisagées. Comme le fait d'y voir la main de Blaise Compaoré, ce qui a été démenti par le général Diendéré sans pour autant que le doute soit levé. Ou encore que les résultats de l'enquête sur la mort de Thomas Sankara, devaient être communiqués le jeudi 17 septembre aux parties civiles à Ouagadougou, une réunion reportée sine die en raison du coup d'Etat, a déclaré hier un avocat. La survenue d'un coup d'Etat à la veille de ces révélations potentiellement explosives pour certains proches de Blaise Compaoré a été jugée surprenante par la veuve du président assassiné. «Juste au moment où on reçoit la convocation, il y a ce coup de force. Je n'ai pas de preuve, mais c'est une drôle de coincidence quand même.» Quant à la démocratie, elle est devenue un réel alibi mais qui ne convainc plus personne sinon très peu. Le nouvel homme fort a même promis de «discuter de cela avec les acteurs qui sont concernés, notamment les partis politiques et les organisations de la société civile». Parce qu'elle connaît ce discours, celle-ci a fortement réagi, hier.