Les experts réunis dimanche dernier, à l'occasion de la rencontre gouvernement-CNES, se penchent actuellement sur l'élaboration d'un document récapitulatif des recommandations issues de la rencontre et devraient le soumettre, prochainement, au gouvernement pour approbation. C'est ce que nous a indiqué, hier, l'expert économique et vice-président du CNES, Mustapha Mekidèche, pour qui la rencontre a eu le mérite de «réunir les meilleurs experts nationaux et étrangers de très haut niveau» et de dégager un large consensus sur l'identification de la crise «en termes de nature, de durée et de conséquences sur la sphère économique monétaire et social du pays». Le constat dressé par les experts souligne que la crise que le pays traverse est «une crise durable et porte atteinte aux équilibres macro-financiers internes». La plus grande menace qui apparaît actuellement est «le déficit budgétaire qu'il va falloir réduire», en ce sens que les réserves du Fonds de régulation des recettes (FRR) «vont nous permettre de financer le déficit de 2015, mais cela va être difficile pour les années qui suivront, où il va falloir trouver des financements alternatifs, sachant que le gouvernement est convaincu qu'il n'est pas socialement acceptable de remette à plat les politiques de transferts sociaux et de subventions», explique M. Mekidèche. Pour le vice-président du CNES, il va falloir désormais «diminuer les dépenses, augmenter les recettes fiscales et réfléchir à d'autres formes de financement, à l'image de l'opération de bancarisation des avoirs informels lancée par les banques, ou encore recourir, pourquoi pas, à un emprunt national, une option qui n'a pas été écartée lors de la rencontre de dimanche». L'expert avertit toutefois qu'à long terme, s'il n'y pas un changement de paradigmes du point de vue économique, «nous n'irons pas loin, car le deuxième tsunami qui nous attend, dans les quelques années à venir, touchera les réserves de change déjà en diminution». Raison pour laquelle M. Mekidèche appelle à «anticiper cette situation en diminuant nos importations par la substitution aux importations, en encourageant les exportations, en impliquant le secteur privé à travers un soutien massif aux investissements et en favorisant le retour des IDE». Sur la question des subventions, les participants à la rencontre du CNES n'ont pas manqué d'appeler à «une révision de l'actuelle politique de subvention des produits de base et l'encouragement de la productivité», considérant qu'«il est insoutenable que l'Algérie continue à subventionner de façon indirecte le gasoil et l'électricité, ou de façon directe la baguette de pain et le sachet de lait, par exemple, au profit des pauvres et des riches, des producteurs et des importateurs sur un pied d'égalité». «Le régime de subvention devrait être scrupuleusement adapté à la stratégie économique globale, en ce sens qu'on ne peut pas continuer à soutenir toutes les activités de la même manière», a recommandé Youcef Benabdallah, chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread). Selon les données communiquées par les experts, avec des subventions directes (budgétisées) représentant presque un quart du budget de l'Etat et 13% du PIB national, le taux global des subventions atteindrait 30% du PIB, soit 60 milliards de dollars par an. En somme, le problème économique est aujourd'hui «bien compris par les pouvoirs publics», comme en témoigne Slim Othmani, PDG de NCA Rouiba et président du Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE) : «Le gouvernement était prêt à accepter des critiques fortes, avec une qualité d'écoute intéressante.» Mais le plus important, selon lui, est de savoir maintenant «quel traitement politique sera réservé à ces problèmes». Le président du CARE estime que des décisions courageuses doivent être prises concernant un certain nombre de problèmes soulevés, à l'exemple des subventions, de la mainmise de l'Etat sur certains secteurs de la sphère économique (assurances, tourisme, hôtellerie…) ou encore de certaines lois qui tirent vers le bas l'attractivité économique du pays et empêchent la venue des IDE. «Les problèmes économiques sont parfaitement compris, mais il faut aller plus vite et plus loin dans leur résolution», a-t-il conclu.