Selma El Hodjeili (1) propose dans son livre intitulé Le combat des femmes arabes une réévaluation du véritable rôle joué par les femmes arabes des classes moyennes à l'intérieur de la famille. Pour elle, il y a lieu de reconsidérer le stéréotype de la créature «oisive, dépendante, prude, ennuyeuse» (p.35), longtemps tenu pour le réel. Car prises en même temps que leurs sœurs du «sérail ou du pouvoir politique», dans le processus accéléré d'urbanisation qui a suivi les indépendances des pays arabes, elles seules ont éprouvé le besoin, elles seules ont eu les moyens de susciter des changements. L'impulsion première vers la modernisation est issue de l'accession de la femme de la classe moyenne, dans les années soixante, à un niveau de prospérité modeste qui en fin de compte créera un nouveau style de vie. «Elle est la première à introduire une certaine technologie de pointe à l'intérieur de son foyer : la machine à coudre, par exemple, pour améliorer et rationaliser son travail dans son propre domaine» (p .102). Elle est la première à s'intéresser aux progrès de l'hygiène et de la médecine, à refuser la souffrance physique et la maladie comme fléaux irrémédiables. L'utilisation du chloroforme pour atténuer la douleur de l'accouchement, et plus encore l'adoption de méthodes contraceptives démontrent une volonté nouvelle de contrôler les fonctions reproductrices, de refuser une biologie donnée comme destinée. Ainsi, Selma El Hodjeili révèle-t-elle, derrière la façade d'impuissance et de soumission, «une exigence d'autonomie, une volonté gestionnaire, une planification de la vie domestique» (p .151) et pose-t-elle l'existence d'un pouvoir que l'histoire avait jusqu'alors gommé. Certaines risquèrent leur vie pour arracher leurs droits Selon l'auteur du Combat des femmes arabes, le deuxième domaine d'influence de la femme arabe des classes moyennes (dans les années soixante) est «la rue» : c'est là qu'elle «se divertit, fait circuler les informations économiques qu'elle détient, prend conseil. C'est là que souvent elle travaille, surveille les enfants» (p.163). Certes, ce n'est pas sa seule sphère d'action, comme en témoignent les programmes de formation des «maisons et centres d'apprentissage» où s'apprend la couture et où s'acquièrent, par un système de formation «presque primitif» certains métiers «féminins» (cuisine, éducation des enfants, décor d'intérieur de foyer, etc.). Mais pour beaucoup, la vie familiale et sociale n'est pas exclusivement centrée sur l'univers domestique. En effet, dans les années soixante-dix et en même temps que s'effectuait une perte globale d'activité «productrice» qui enfermait les femmes dans le foyer et les rejetait dans des occupations semi-spécialisées à bas salaires, les besoins du développement industriel des pays arabes allaient leur ouvrir des champs professionnels nouveaux et attractifs. C'est en jouant des possibilités d'émancipation offertes par la technologie moderne, comme en refusant là où c'était possible les modèles dominants, que «les femmes arabes ont marqué cette période» (les années soixante-dix). Aujourd'hui, le chemin parcouru semble immense. Et les femmes engagées dans une lutte où certaines risquèrent leur vie pour arracher leurs droits, dans une société encore dominée par «l'homme», ont œuvré à la mise en place d'un système social où les différences de sexes ne seraient pas le prétexte à des différences de statut.