L'Etat palestinien a vu son drapeau officiellement hissé sur le parvis des Nations unies à New York. La symbolique de l'événement a rassemblé une foule enthousiaste. Pourtant, le chemin à parcourir pour la reconnaissance d'un Etat paraît encore long. La journée de mercredi devait être pluvieuse, quelques gouttes ont d'ailleurs réussi à se faufiler pour se poser sur la Grande Pomme dans la matinée. Ensuite, plus rien. Le ciel avait décidé d'être clément pour un événement qui allait marquer un pas de plus dans l'entrée de la Palestine dans l'arène internationale. Un pas timide, certes, mais un pas tout de même. Le petit pas débute le 10 septembre, lorsqu'une résolution de l'ONU autorise le drapeau palestinien à flotter parmi ceux de tous les Etats membres. Mercredi après-midi, Mahmoud Abbas, le président palestinien est aux premières loges pour voir le drapeau de la Palestine se hisser sur le parvis des Nations unies, à New York. La montée se fait lente, solennelle, à l'image du la lutte du peuple palestinien pour la reconnaissance de son Etat. Les secondes sont interminables, le temps se fige. De timides applaudissements ponctuent la cérémonie alors que l'étendard flotte fièrement au cœur du concert des nations. L'acte enfin terminé, les nombreux représentants d'Etats venus assister à l'événement tentent de contenir leur satisfaction ; certains esquissent un léger sourire de satisfaction, à l'image de Ramtane Lamamra. Mahmoud Abbas, lui, incarne la dignité. Alors que Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, débute son allocution pour réitérer la détermination des Nations unies à résoudre la question palestinienne, le regard du président palestinien est lointain, probablement perdu dans ses pensées, dans ses souvenirs. Terroriste Le souvenir que quarante ans auparavant, l'OLP était encore considérée comme une organisation terroriste par l'ONU ou encore la pensée que ces quelques minutes, que d'aucuns qualifient d'«historiques », ne changeront rien au quotidien des Palestiniens. Pourtant, les gens venus en nombre célébrer l'événement refusent de se laisser abattre. «Quoiqu'on en dise, il s'agit d'un moment fort pour la Palestine, pour mon peuple qui se bat et qui obtient reconnaissance», clame Rania, la quarantaine, une Palestinienne établie aux Etats-Unis depuis de nombreuses années. Pour Mohamed, étudiant d'origine palestinienne, «voir cette bannière flotter en cet endroit, c'est un sentiment que j'ai du mal à décrire.» Et d'ajouter avec un sourire : «Je ne sais même pas si je dois pleurer, rire, hurler ! Je pense que j'ai fait un peu les trois en dix minutes.» Palestiniens, mais pas seulement, les personnes présentes venaient d'un peu partout dans le monde pour perturber l'Upper East Side new-yorkais, quartier résidentiel, calme, très chic et surtout peu habitué aux bruits et autres manifestations. Pour Raef, libanais, sympathisant de la cause palestinienne, «il était impensable de ne pas assister à ce moment alors que je suis en vacances à New York. Mais je me rends aussi compte que les Palestiniens ont besoin de plus.» Plus. Mahmoud Abbas en a bien conscience, lui qui, depuis dix ans, a adopté la stratégie de la reconnaissance internationale de la Palestine, non sans succès. Membre de l'Unesco et de la Cour pénale internationale, l'Etat palestinien rêve de devenir membre de l'ONU. Lynchage Pour l'heure, il est simple observateur. Mais sur le papier seulement. Dans les faits, l'écrasante majorité des Etats membres ont des relations officielles avec la Palestine et lorsque «l'observateur» prend la parole à l'Assemblée générale, la salle est comble. Plus tôt dans la journée, Mahmoud Abbas s'est exprimé à la tribune, tout comme beaucoup d'autres chefs d'Etat avant lui. Le début du discours est laconique, traditionnel, il revient sur la souffrance du peuple palestinien et le besoin, plus que jamais, que la question palestinienne redevienne une priorité de la communauté internationale, alors que l'esplanade des Mosquées d'Al Qods continue d'être le théâtre de lynchage de Palestiniens. Soudain, coup de tonnerre, pas dans le ciel, dans la salle : «Nous déclarons qu'il ne nous est plus possible de continuer à être liés par les Accords d'Oslo». La bombe est lâchée. Mais cette fois, c'est la Palestine qui le fait, et par la voie diplomatique plutôt que militaire. Bien que dans les faits, ces accords soient caducs depuis longtemps, la Palestine enterre officiellement ce que l'entité sioniste n'a jamais su respecter. Et de poursuivre : «La Palestine est un Etat sous occupation, comme le furent de nombreux pays durant la Seconde Guerre mondiale.» Voilà donc la réalité amère face à laquelle un drapeau à New York est, au mieux, dérisoire. Ce jour-là, le ciel a épargné la Palestine. Néanmoins, il était resté gris, sombre et menaçant, un tout autre symbole, celui d'une Palestine qui n'a pas fini de lutter pour sa liberté et ses droits.