Les dernières déclarations du ministre de la Justice, Tayeb Louh, ne convainquent pas Benyoucef Mellouk, qui a ouvert la boîte de Pandore : l'affaire des faux moudjahidine et des magistrats faussaires. Toujours debout malgré les épreuves, cet ancien cadre du ministère de la Justice ne croit pas un traître mot de ce qu'a déclaré M. Louh sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire. «C'est ce même Louh, alors président du Syndicat des magistrats, qui a déposé la première plainte contre L'Hebdo libéré du défunt Mahmoudi et contre ma personne en 1992. Je ne peux pas donner du crédit aux propos d'une personne qui n'a pas voulu que justice soit faite et l'honneur de nos martyrs préservé», assène Mellouk, en tapant d'une main résolue sur son lourd cartable porté en bandoulière. Chef du service des affaires sociales et du contentieux au ministère de la Justice, Mellouk avait remis à L'Hebdo Libéré un dossier sur des magistrats qui avaient «trafiqué» des attestations de moudjahid pour accéder à leurs postes. Le directeur de publication, feu Abderahmane Mahmoudi, avait pris la décision de publier l'enquête dans le n°41 du périodique (22 au 28 janvier 1992). La machine judiciaire a été enclenchée après des plaintes de magistrats cités dans l'enquête. Cet homme frêle, qui est devenu malgré lui un habitué des parloirs et des prétoires depuis une vingtaine d'années, affirme ne «pas faire confiance à la justice actuelle». «La justice est instrumentalisée. Qui voudrait ouvrir le dossier des magistrats faussaires et faire en sorte que toute la vérité soit enfin sue ?», dit-il. Des personnes mises en cause dans le dossier sont toujours en service ou affectées dans d'autres appareils de l'Etat, alors que d'autres ont disparu ou ont vu leurs enfants intégrer le corps des magistrats. «Pour qu'ils jugent bien, ces magistrats doivent d'abord avoir les mains propres. Louh doit balayer devant la porte de son ministère et se séparer des magistrats cités dans l'enquête et qui exercent toujours au sein de l'administration centrale. Une quarantaine de juges sur les 500 répertoriés dans le dossier sont toujours dans les rouages de l'Etat algérien», signale Mellouk. La justice n'a pas laissé tranquille cet ancien cadre. La chambre pénale près la cour d'Alger a rendu, en début d'année, un arrêt demandant un complément d'information dans le procès en diffamation opposant Mellouk à son plaignant, Mohamed Djeghaba, ancien ministre des Moudjahidine. Mellouk, qui a vu sa carrière bloquée, continue d'être menacé : «Des gens viennent toujours me menacer chez moi. Ils m'insultent. Certains sont des parents des personnes citées dans mon dossier. Rien n'est fait pour arrêter cela. Pourtant, les services de sécurité, de l'inspection générale de la police au DRS sont informés sur les menaces que je subies.»