Benyoucef Mellouk doit répondre d'une plainte qui remonte à 2001 déposée par Mohamed Djeghaba et Mohamed Salah Mohammedi, respectivement anciens ministres des Moudjahidine et de l'Intérieur. Bien que ne se faisant aucune illusion quant à l'équité de ce procès, il souhaite que cela soit l'occasion de faire enfin la lumière sur une affaire qui dure depuis quinze ans. C'est un homme toujours digne et déterminé qui s'est présenté hier à la rédaction une convocation de justice à la main. Lui, c'est Benyoucef Mellouk, l'inusable pourfendeur des magistrats faussaires et des faux moudjahidine. Il doit se présenter le 26 novembre au tribunal de Sidi M'hamed pour répondre d'une plainte déposée en 2001 par l'ancien ministre des Moudjahidine, Mohamed Djeghaba, et l'ancien ministre de l'Intérieur, Mohamed Salah Mohammedi. M. Mellouk avait cité des proches de ces deux ex-ministres comme étant impliqués dans cette inextricable affaire qui agite la scène médiatique depuis 1992, année où elle avait éclaté pour la première fois à travers les colonnes de L'Hebdo Libéré de feu Abderrahmane Mahmoudi. Fatigué mais guère abattu, Benyoucef Mellouk a la pugnacité d'un monument. Il espère que ce procès soit l'occasion de faire toute la lumière sur ce dossier. Mais rompu qu'il est aux arcanes de la machine judiciaire, il ne se fait pas beaucoup d'illusions. « Le clan des faux moudjahidine a gangrené l'appareil judiciaire et la chaîne du pouvoir à tous les rouages. Même une partie de la Chancellerie leur est acquise », dit-il. Ce constat lucide n'empêche pas Benyoucef Mellouk d'affronter son destin et d'aller se présenter le lundi 26 novembre au tribunal d'Alger avec la même hargne, la même colère au ventre. « Je leur lance le défi de se constituer partie civile. Je suis prêt à les affronter pour ce devoir de vérité qui est de l'intérêt de l'histoire de la Révolution. » Rappelons que l'ancien chef de service en charge des affaires sociales et du contentieux au ministère de la Justice avait déjà comparu devant les tribunaux. C'était en 1999 aux côtés de Abderrahmane Mahmoudi. « Mais la justice n'a pas voulu prendre acte des documents en ma possession et l'affaire a été jugée d'une façon expéditive. » Il avait alors été condamné à trois ans de prison avec sursis pour « divulgation de documents confidentiels ». Et quels documents ! Dans une mallette, il trimballe des dossiers qui sentent le soufre et le TNT. Des archives qui accablent certains faux membres de l'ALN et faux activistes permanents de l'OCFLN de même que des fidayîn autoproclamés qui n'ont jamais franchi le seuil de leur chaumière. L'ancien haut fonctionnaire du ministère de la Justice exhibe un CD-Rom dans lequel il a tout compilé, et qu'il entend mettre, prévient-il, à la disposition de la presse. Mellouk est formel : les dossiers qu'il détient sont d'une authenticité établie. « J'avais été officiellement chargé de faire un assainissement dans les dossiers des magistrats sur instruction du président Boumediène en octobre 1978 et du président Chadli en 1986 », dit-il. Même le cabinet de Bouteflika a essayé de négocier la récupération des originaux, affirme-t-il, dans une missive datée du 23 novembre 2002. « En 1992, Bouteflika s'était lui-même déplacé au siège de L'Hebdo Libéré pour nous manifester sa solidarité. Depuis qu'il est au pouvoir, il a tourné casaque », dit Mellouk. L'enjeu du procès du 26 novembre, on l'imagine bien, est important. Mais Mellouk reste sceptique. « Je constate qu'il y a un parti pris dans cette affaire par solidarité corporatiste. C'est un complot dirigé contre moi par les magistrats éclaboussés directement ou indirectement par ce scandale et qui sont toujours en fonction », souligne-t-il. « Je les connais très bien. C'est un clan d'intérêts très puissant, celui de la mafia politico-judiciaire qui protège l'affaire des magistrats faussaires depuis 1992. Je les rends responsables de tout ce qui m'est arrivé, de toute cette injustice et du blocage de ce dossier pour taire la vérité », poursuit-il avant de marteler : « Je demande la réouverture de tout le dossier. Je suis prêt à remettre mes documents à l'occasion de ce procès à condition que la vérité éclate. L'opinion publique a le droit de tout savoir sur cette affaire. »