Les médias proches du makhzen reconnaissent que «cette décision constitue une mesure de rétorsion au fait que la Suède s'apprête à reconnaître la RASD». La monarchie marocaine vient une nouvelle fois de donner un aperçu des méthodes d'un autre âge qu'elle emploie pour garder sous sa domination le Sahara occidental et contraindre des pays à retirer leur soutien à la cause sahraouie. Le roi Mohammed VI a tout bonnement recouru, mardi dernier, au chantage et aux pressions économiques pour contraindre la gauche au pouvoir en Suède à reconsidérer sa décision de reconnaître la République arabe sahraouie (RASD). Le chantage porte sur le refus d'ouverture d'un magasin Ikea à Casablanca. Ce blocage est motivé par l'absence d'un «certificat de conformité». Et comme par hasard, cette «histoire» de certificat de conformité est brandie le jour même où l'enseigne suédoise Ikea, n°1 mondial de l'ameublement, devait inaugurer son magasin, le premier au Maghreb. Bien évidemment, personne au Maroc et en Europe n'a pris au sérieux l'argument spécieux mis en avant par le makhzen, d'autant qu'il intervient quelque temps après l'annonce par les députés suédois du Parti social-démocrate des travailleurs de leur projet de déposer une proposition de loi plaidant en faveur de la reconnaissance de la RASD. Même les médias proches du makhzen reconnaissent que «cette décision constitue une mesure de rétorsion au fait que la Suède s'apprête à reconnaître la RASD». Mesure de rétorsion Selon le site électronique 360, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a même tenu «une réunion d'urgence lundi avec les partis de la majorité et de l'opposition sur la question du Sahara occidental». Une réunion à l'issue de laquelle «il a été décidé de réévaluer les intérêts de la Suède au Maroc». Présent à cette réunion, le secrétaire général de l'Union socialiste des forces populaires (USFP), Driss Lachgar, a confirmé dans une déclaration à la presse que cette question avait été évoquée, affirmant que «la coalition au pouvoir en Suède préparait un projet de loi qui sera soumis au vote pour reconnaître la prétendue République du Sahara». «La Suède est le pays le plus hostile à l'intégrité territoriale du Maroc après l'Algérie», a-t-il ajouté. Cela se passe de tout commentaire. En plus d'avoir bloqué l'investissement en question, le Maroc a décidé d'entreprendre une opération de charme en direction des responsables suédois afin de tenter de les amener à changer leur perception du conflit sahraoui. Comme à ses habitudes, Rabat fera certainement dans la vente concomitante. Sans perdre de temps, le roi Mohammed VI a donc dépêché hier à Stockholm une délégation de responsables politiques pour plaider «la marocanité du Sahara». Et c'est Mme Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié, que le souverain marocain a choisie pour conduire cette délégation qui comprend également des représentants de l'USFP, du PPS et du PSU. Le choix de Mme Mounib n'est pas fortuit. Au contraire, il a été très étudié. Le makhzen part visiblement du principe que des représentants de partis marocains affiliés à l'Internationale socialiste (IS) ont davantage de chance de parvenir à infléchir la position des députés suédois du Parti social-démocrate des travailleurs. Initialement, ce sont des responsables du PJD, de l'Istiqlal, du PAM, du MP et de l'UC qui devaient être du voyage. Mais le casting a changé à la dernière minute. D'une pierre deux coups, le Maroc va aussi tenter d'obtenir l'annulation d'une importante conférence qui se tiendra le 15 de ce mois au Parlement suédois sur «les 40 ans de la colonisation du Sahara». Il est prévu que l'icône de la lutte sahraouie, Aminatou Haïdar, et les militantes Rebab Amidane et Sonnia Abderrahmane témoignent des atrocités vécues par le peuple sahraoui dans les territoires occupés ces dernières années. Les socialistes et les Verts au pouvoir en Suède se tairont-ils face aux crimes perpétrés par les forces d'occupation marocaines ? Sacrifieront-ils leurs idéaux sur l'autel du business ? La classe politique suédoise n'a, jusque-là, pas habitué à renier ses combats. Le royaume de Suède n'a d'ailleurs fait aucun calcul lorsqu'il s'est agit de reconnaître le Polisario comme représentant légitime du peuple sahraoui ainsi que le droit légitime de ce dernier à s'autodéterminer. Et comme pour dire que la Suède ne déviera pas de ses principes, la chef de mission adjointe de l'ambassade de Suède à Rabat, Mme Wiktoria Dagerås, s'est dite convaincue qu'«il est bon que l'ONU soit en train de faire des efforts renouvelés pour trouver une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable au conflit du Sahara occidental». Auparavant, elle avait réitéré le soutien de son pays à Christopher Ross.