Certaines constructions sont ostentatoires, d'autres sans style et inachevées. La capitale des Bibans, Bordj Bou Arréridj, est certainement la ville qui a connu le plus de déboires et de déconvenues, durant ces dernières années. Plusieurs facteurs, tous aussi défavorables les uns que les autres, ont concouru à la clochardisation de la «Silicon Valley» de l'industrie dont l'industrie de l'électronique a fait son centre névralgique. En effet, si les nuisances sonores sont des sujets bien connus, peu de cas est fait de la question de la pollution visuelle. Cela peut notamment être le cas des constructions anarchiques, inachevées, sans plans général ou homogénéité urbanistique et obsolètes pour les constructions étatiques comme pour les particuliers. Et quand rien n'est fait pour recadrer les abus, tout le monde fait un peu ce qu'il veut. À commencer par les immeubles qui constituent déjà en eux-mêmes une source de pollution visuelle. En plein centre ville par exemple, les immeubles sont par tradition tous peints de la même manière que dans toutes les villes d'Algérie. Mais les couleurs spécifiques pour chaque région, il ne semble pas dans les plans des propriétaires, ni de la ville de faire des ravalements de façades. Ces mêmes immeubles subissent d'ailleurs tout un tas de dégradations comme ces paraboles qui fleurissent sur les toits, toutes aussi rouillées les unes que les autres ainsi que leur câble électrique relié à la télévision du salon qui traverse l'immeuble de part et d'autre sans esthétique, aucune. Des citernes d'eau potable sous de multiples formes et volumes peuplent les entrées et les balcons. Ces derniers transformés en petites chambres ou fermés par des baies vitrées ; des groupes de climatisation, des grilles fixées sur des fenêtres, des pans de façades peintes de différentes couleurs... De même, le linge accroché un peu n'importe où ne donne pas envie de vivre dans ces bâtiments. Il y a pourtant une terrasse. Que nenni, il est plus facile d'accrocher son linge à sa fenêtre que de monter quelques étages… la liste des modifications est encore longue. Outre les modifications, les dégradations, les mauvais choix, les nuisances olfactives sont reconnaissables à une centaine de mètres car les caves sont pleines et débordent d'eaux usées. Les espaces et airs de jeux sont transformés en parkings, en marchés, ou annexés aux habitants du rez-de-chaussée. Pour les villas et maisons individuelles, dans un même quartier les différences sont apparentes. Certaines constructions sont ostentatoires, vides, inoccupées, sans styles et inachevées. «Plusieurs habitations sont transformées en dépôt de marchandises d'importation, de bergeries pour les moutons de l'Aïd, de garages de mécanique et d'autres activités non déclarées». Les dos d'ânes et les nids de poules fourmillent sur toutes les rues de la ville. Certains jardins publics sont mal conçus et généralement occupés par des personnes dont le comportement fait fuir les familles et les visiteurs. Manque d'esthétique Dans chaque quartier des lots de terrain marginaux à l'abandon, laissés en jachère entre des constructions par des personnes qui font du foncier leur commerce. «Ils achètent des lots de terrain dans le but de les construire mais les laissent des années nus pour les revendre à 10 fois ou même 50 fois leurs prix», dira un gérant d'une agence immobilière. «Ces terrains ont été désignés par les pouvoirs publics dans le but d'aider les gens à construire leur maison et non pas pour les revendre. Alors pourquoi n'exigent-ils pas de ceux qui les laissent en jachère ou les revendent à les rendre au domaine ?», propose un autre agent immobilier. Les entrées de la ville sont occupées par des marchands de l'informel. Tout se vend sur la voie publique : poulet, dinde, canard, lapins, chevreaux, des fruits, légumes, ustensiles de cuisines… La ville a subi une forte clochardisation du fait d'une sensible paupérisation liée au recul des revenus agricoles qui constituent le nerf moteur de la région, à l'indigence du tissu industriel et à mille maux et dysfonctionnements accumulés en termes de management de la ville et de faillite de ses collectivités Alors, si depuis deux ou trois ans, on assiste à une sorte de frémissement dans la cité, à un regain d'intérêt pour la capitale des Bibans oubliée de la part des pouvoirs publics et à l'activisme d'une nouvelle génération de responsables administratifs, d'opérateurs économiques et d'animateurs de la société civile, cela est en mesure de réjouir les nombreux amoureux de cette ville qui sait se faire aimer et conquérir les cœurs par ses mille atours et ses attraits innombrables.