Le refus du CGN de cautionner le plan de Bernardino Leon trouve son origine dans le fait que l'Onu n'a pas pris en compte l'une de ses principales revendications. La mission de l'émissaire des Nations unies pour la Libye, Bernardino Leon, risque de se terminer en échec cinglant. Tous les efforts déployés voilà une année par l'ONU pour rapprocher les deux gouvernements rivaux, qui se disputent le contrôle du pays, tombent en tous les cas à l'eau. La raison ? Le projet de gouvernement d'union nationale – revu et corrigé à maintes reprises – proposé, jeudi au Maroc, par M. Leon aux différentes parties en conflit, a été clairement rejeté lundi soir par le Conseil général national (CGN), le Parlement non reconnu par la communauté siégeant à Tripoli qui est soutenu par les puissantes milices de Fajr Libya. Un membre de ce Parlement, Mahmoud Abdel Aziz, a motivé ce rejet en avançant l'idée que la proposition mise sur la table par Bernardino Leon risque d'«approfondir les divisions entre les Libyens». De façon plus concrète, le refus du CGN serait surtout lié au fait que l'ONU n'a pas pris en compte l'une de ses principales revendications. De quelle revendication s'agit-il ? Des sources libyennes proches du dossier soutiennent qu'il s'agit de celle en rapport avec le «respect du jugement de la Cour suprême basée à Tripoli ayant invalidé l'existence même du Parlement de Tobrouk». Quid maintenant de l'attitude du gouvernement et du Parlement de Tobrouk reconnus par la communauté internationale ? S'agissant de l'Exécutif, le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohammed El Dairi, a affirmé dimanche que son gouvernement appuie la proposition de l'ONU pour la formation d'un gouvernement d'union nationale. «Le gouvernement soutient la proposition de l'ONU pour la formation d'un gouvernement d'union nationale, malgré l'existence de quelques réserves sur quelques volets et noms», avait indiqué M. El Dairi dans une déclaration à la chaîne d'information Sky News Arabic. Néanmoins, il semble bien que la position du gouvernement n'est pas partagée par le Parlement de Tobrouk. A ce propos, certains de ses membres ont laissé entendre lundi qu'ils pourraient aussi rejeter la proposition de Bernardino Leon. L'émissaire de l'ONU «veut nous imposer un fait accompli», a déclaré à la presse le député Ali Tekbali, en estimant aussi que ce gouvernement (d'union nationale, ndlr) serait une source «de divisions et non d'unité». C'est hier que le Parlement de Tobrouk devait rendre sa réponse définitive à Bernardino Leon. En somme, il ressort que personne, ou presque, ne veut en réalité de l'issue à la crise préconisée par le diplomate espagnol. Dans les faits, le rejet du CGN contraint, à lui seul, l'ONU à revoir sa feuille de route. Et peut-être même de fond en comble, surtout si aucune solution alternative n'est trouvée d'ici le 20 octobre. C'est à cette date, en effet, qu'expire le mandat du Parlement reconnu par les puissances occidentales. Au-delà du 20 octobre, il n'aura pas plus de légitimité que le Parlement de Tripoli. Ce qui constituera assurément une nouvelle donne, qui devrait probablement être prise en compte lors d'éventuelles nouvelles négociations. Il n'est pas certain également que Bernardino Leon soit de la partie puisque l'on parle déjà de son remplacement. Depuis le renversement en 2011 par l'OTAN et le Qatar de Mouammar El Gueddafi, la Libye est déchirée par une guerre civile qui a fait des milliers de victimes. Le vide laissé par l'effondrement de l'architecture sécuritaire de l'ex-Jamahiriya a profité aux trafiquants et à de nombreux groupes terroristes, dont Deach, qui ont fait de la Libye une de leurs principales bases en Afrique.