Le café littéraire de Béjaïa a accueilli, samedi dernier, le sociologue Rabeh Sebaa, qui a parlé de son nouveau livre L'Algérie et la langue française ou l'altérité en partage, préfacé par le professeur des sciences du langage et de la traductologie, Abderezzak Dourari. Egalement spécialiste d'anthropologie culturelle et linguistique, Rabeh Sebaa dissèque dans son ouvrage, paru aux éditions Franz Fanon, le tissu linguistique algérien avec pour point focal le statut et la place de la langue française dans l'ensemble des langues en usage, pendant et après la colonisation, ainsi que présentement. Une étude principalement diachronique mais aussi synchronique qui a conduit le chercheur à conclure que «la langue française est imaginaire en acte qui prend et reprend vie dans le corps sociétal algérien», faisant référence à la littérature algérienne d'expression française et l'usage presque courant de la langue de Molière dans les pratiques langagières de 60% de la population du pays. Et ce, remarque-t-il, malgré «les tentatives d'imposition du monolinguisme arabophone». La raison ? Invoquant les aspects historique, anthropologique et psychosociologique intervenant dans son analyse, le sociologue estime que «dans l'imaginaire social algérien, la langue française est celle de l'efficacité et de la modernité», ajoutant qu'il n'y a rien à faire pour stopper cette dialectique linguistique qui s'actualise indépendamment de ce qui se décide en haut lieu. Et d'expliquer : «C'est par nécessité sociale que les gens ont recours à cette langue». Le sociologue ne manque pas de relever que cette duplicité des représentations cultivées par la société algérienne vis-à-vis de la langue française, est «un cas pathologique», en ce sens qu'il y a à la fois «rejet de la langue de l'ex-colonisateur» et «désir de possession de cette langue». Revenant sur l'actualité nationale relative à l'apprentissage par le biais des langues maternelles, le sociologue a qualifié la polémique entourant ce débat «d'empoignades cacophoniques». Le véritable débat doit se tourner, préconise-t-il, autour de la «confusion et le clivage entre les deux concepts apprentissage et acquisition», invitant, par ailleurs, à «reconsidérer le statut des langues maternelles, à l'instar de tamazight et de la daridja, longtemps vouées à la péjoration et le déni».