Autres temps, autres mœurs. Oui, les temps changent et les habitudes aussi. On ne prépare plus le Ramadhan comme au bon vieux temps à Constantine. Modernité oblige, peut-être. Pourtant, les bonnes choses, faisant la particularité d'un peuple, doivent être pérennes. Enfin, les nouvelles tendances alimentaires ont fini par reléguer les rituels aux oubliettes. Les ménagères préfèrent plutôt donner un nouveau look à leur service de table que de s'attarder à préparer la fameuse âoula (vivres). Des choses dépassées par le temps aux yeux de certains qui s'arrangent à s'en approvisionner chez l'épicier du coin. « Les femmes qui travaillent n'ont plus le temps pour se consacrer à ces rituels, puis on a été vraiment pris de court par la rentrée scolaire », nous dira une enseignante. Comme partout dans la ville, le Ramadhan semble imposer aux gens un rythme effréné. La vieille médina, qui traduisait tout le temps cet attachement voué par les Constantinois à leur ancrage, n'est plus ce symbole tant vénéré. Les marchands regrettent toujours le bon vieux temps où Souika avait toujours un rendez-vous de charme avec le Ramadhan. Aujourd'hui, les repères s'effritent à l'image d'ailleurs des valeurs. Le site est, malgré son état de déliquescence, le baromètre des prix de tous les produits commercialisés dans la ville. La rue Mellah Slimane, séparant les parties haute et basse, demeure le lieu de prédilection pour certains nostalgiques amateurs de pruneaux, de dattes, d'amandes et autres épices inévitables dans les plats constantinois durant les premiers jours du Ramadhan, selon bien sûr les capacités financières des familles. En dépit d'un déferlement quotidien de gens dans les artères et les ruelles de Rahbet Essouf, Souk El Asser, El Djezzarine, Sidi Bouanaba, Essayeda, le Ramadhan s'annonce dans un climat terne. Côté préparatifs, les ménagères sont rares à se faire la fameuse âoula, préparée durant la quinzaine précédant le mois sacré. On n'a pas l'impression de connaître cette ambiance tant attendue. La vieille ville reste marquée par le commerce ambulant qui fait souvent le bonheur des fouineurs. Le seul lieu qui marque encore les préparatifs du mois se trouve à la rue Saïd Bentchicou, plus connue par Echatt. Pour les habitués, les rituels du mois imposent un passage par le vieux moulin tenu par la famille Belhai et qui continue de servir malgré son état délabré. Ici, on vient même de loin pour moudre l'inévitable frik pour la sacro-sainte chorba. « C'est un produit local d'une qualité irréprochable », nous dira une vieille dame parmi les habitués du lieu. Le passage vers l'autre rive de la vieille ville à travers la rue Larbi Ben M'hidi renseigne sur les repères perdus d'une ville qui se clochardise irréversiblement. Rahbet Essouf, ex-place de la Galette, jadis point de rencontre des Constantinois durant la semaine qui précède le mois sacré et lieu de charme des vendeurs de zlabia, a cédé sa place au commerce informel. Le lieu a troqué ses espaces contre un marché pour femmes de plus en plus prospère, malgré toutes les chasses et les interdictions.