La représentation d'un pantin à la tête coupée et joyeuse jouant de la musique avec un sabre provoque un début de polémique à Montréal. «Délire joyeux face à la folie du monde», se défendent les organisateurs. Peut-on délirer et rire de Daech et de la violence qui s'empare du monde en général, sans être accusé de ternir l'image du Monde arabe, pour certains, ou de faire l'apologie d'une violence «digne des Arabes», selon d'autres ? Le Festival du Monde arabe de Montréal, qui commence aujourd'hui et s'étalera sur deux semaines, en a fait l'expérience en poussant l'audace, qui d'ailleurs le caractérise depuis ses débuts, d'adopter un visuel qui ne laisse pas indifférent. Sous le thème «Hilarus Délirus», on voit sur l'affiche de la 16e édition de ce rendez-vous automnal montréalais «un musicien fantaisiste, clownesque, la tête riante par terre et jouant du violon avec un sabre, un flot de mots et de notes jaillissant de son cou». Les réactions ne se sont pas faites attendre, que ce soit de la part des Québécois ou de membres de la communauté venant du Monde arabe. «Depuis le dévoilement de la programmation, nous avons reçu, à travers le courriel, le téléphone et les réseaux sociaux, une quantité importante de commentaires souvent pertinents, parfois élogieux, d'autres insensés ou à caractère injurieux. Entre autres, nous avons eu droit à une panoplie de grossièretés : une affiche violente, sanguinaire, débile, scandaleuse, digne des Arabes, etc. Certains ‘‘sages'' ont jugé l'image ‘‘irresponsable''. D'autres ‘‘experts'' ont évoqué un ‘‘coup de marketing raté''. La liste est longue», expliquent les organisateurs. Ils ont même été «contraints» d'envoyer le porte-parole du Festival, la volubile Rachida Azdouz, défendre l'affiche chez l'un des animateurs radio de droite des plus virulents quand il s'agit du Monde arabe et musulman. «On répond à ce délire violent qui va au-delà du groupe Etat islamique et qui est en train de se saisir du monde par un autre délire beaucoup plus heureux, beaucoup plus léger et beaucoup plus joyeux, ce qui n'empêche pas la réflexion à travers des conférences et des tables rondes sur la question religieuse et sur la question de l'identité et du vivre- ensemble», affirme Rachida Azdouz. «C'est un éternel recommencement. Chaque année, le Festival essaie de cibler les mêmes stéréotypes et corriger les mêmes perceptions. Le stéréotype de l'islam et de l'islamisme. On rappelle aussi cette diversité qui traverse le Monde arabe (musulmans, Arabes, Berbères, chrétiens et juifs). On a fait le pari de la pédagogie et de la répétition», ajoute-t-elle. Notons que ce Festival verra une importante présence algérienne à travers des artistes tels les humoristes Abdelkader Secteur et Réda Saoui, le groupe montréalais Berbanya, la chanteuse Lynda Thalie qui signe une délirante vidéo de promotion du Festival. Un hommage sera aussi rendu au chanteur Salim Hellali, 10 ans après sa disparition.