La dernière circulaire du ministère de l'Education nationale portant annulation des évaluations mensuelles dans le cycle primaire est perçue comme une bouffée d'oxygène par les parents d'élèves à cause de la pression permanente qui pesait sur les frêles épaules des écoliers autant que leurs cartables. Cette décision soulagera certainement les apprenants et mettra du baume au cœur des parents tenus en haleine durant les travaux de la conférence nationale sur l'évaluation de la mise en œuvre de la réforme de l'école, organisée les 25 et 26 juillet dernier et sanctionnés par plus de 200 recommandations. Mais depuis, les parents sont restés sur leur faim à propos de la mise en application de certaines de ces recommandations, en particulier celles relatives à l'annulation de l'examen de fin de cycle primaire et la réorganisation du baccalauréat. Juriste et président de l'association des parents d'élèves du lycée Réda Houhou de Constantine, Hocine Bouanane estime que les parents n'ont pas du tout été pris en ligne de compte lors de cette conférence. «Les travaux des 10 ateliers mis en place afin de procéder à l'évaluation de la réforme du système éducatif engagée depuis 2003 ne se sont pas intéressés à la place importante qu'occupent les parents d'élèves dans la vie éducative. Les parents sont malheureusement volontairement exclus pour qu'ils n'aient aucun contrôle sur le volet éducatif. Le pouvoir exécutif enlève d'une main ce que le pouvoir législatif a donné de l'autre main», s'indigne-t-il en s'interrogeant sur le sort réservé aux lois promulguées et publiées dans le Journal officiel. Pour notre interlocuteur, certains textes ne sont pas appliqués occasionnant une véritable «dérive exécutive», citant pour preuve la mise à l'écart des parents d'élèves à cause d'une non-application de la loi. Autre dérive dénoncée par le président de l'association des parents d'élèves du lycée de Réda Houhou : les organismes consultatifs du ministère de l'Education nationale (MEN) lesquels «n'existent que dans les textes», soutient-il. «Ce qui ne va pas en Algérie, c'est l'existence de nombreuses failles réglementaires à redresser», assène-t-il. Créés par décrets présidentiels n° 03-406 et 03-407 du 5 novembre 2003, l'observatoire national de l'éducation et de la formation, ainsi que le Conseil national de l'éducation n'ont toujours pas vu le jour. Mme Benghebrit avait certes évoqué en février dernier l'installation de l'observatoire, «mais il n'y a toujours rien à ce jour», souligne Hocine Bouanane. Ce dernier s'interroge également sur la non-publication du bulletin officiel du MEN sur son site web depuis mai 2015. Le règlement intérieur au piquet ! Selon l'article 103 de la loi d'orientation de l'éducation nationale de 2008, «l'observatoire national de l'éducation et de la formation a pour missions d'observer le fonctionnement du système national d'enseignement dans toutes ses composantes, d'analyser les facteurs déterminants des situations d'enseignement/apprentissage, d'évaluer la qualité des prestations pédagogiques et des performances des enseignants et des apprenants, et d'émettre des propositions de mesures correctives ou d'amélioration». Autant de missions ambitieuses, mais uniquement sur le papier ! Cela étant, ce président d'association de parents d'élèves s'inquiète également de «l'absence de mise à jour du règlement intérieur du groupe éducatif au sein des établissements scolaires. Datant du mois d'octobre 1991, ce règlement est toujours en vigueur. Il figurait sur les quatre premières pages du cahier de correspondance des élèves avant d'en être retiré il y a trois ou quatre ans». Autrement dit, ce règlement a seulement été retiré du cahier de correspondance des élèves, mais il est toujours d'actualité. Les articles les plus intéressants à retenir sont les numéros 96, 97 et 98 lesquels font état de la tenue de «rencontres périodiques organisées par l'établissement entre les parents et les enseignants», et du rôle de la direction de l'établissement pour «faciliter la création des associations de parents d'élèves du fait qu'elles sont considérées comme le cadre privilégié pour lier la famille à l'école». Nouveaux paramètres Après avoir décortiqué et comparé les textes de loi, Hocine Bouanane estime que ce règlement est censé être revu et corrigé afin de comporter de nouveaux articles qui incluraient notamment des articles relatifs à la lutte contre la violence à l'école et la consommation de psychotropes, deux nouveaux paramètres à prendre nécessairement en considération par le législateur, d'une part, et par le pouvoir exécutif d'autre part. Il interpelle, à ce titre, le président Bouteflika pour qu'il veille à ce que sa loi d'orientation sur l'éducation nationale du 23 janvier 2008 soit réellement appliquée sachant que de nombreux articles sont jusque-là outragés. «Le ministère de l'Education nationale encourage d'une part les parents à s'organiser en association, mais, d'autre part, on ne nous accorde même pas un lieu où se réunir. De plus, depuis la décision de 2014, les représentants des parents d'élèves sont contraints d'adresser une demande préalable à la direction de l'établissement avant de se réunir et mentionner l'ordre du jour, ainsi que la liste nominative des membres de l'association et attendre la réponse. Nous sommes carrément dépendants de l'administration. Quand celle-ci donne son aval, on peut alors nous réunir dans une salle de classe, mais nous n'avons même pas un siège propre à nous», précise-t-il. M. Bouanane compare cette situation à celle des syndicats autonomes et des comités de quartiers, lesquels se rassemblent généralement dans la rue, car «tout est fait pour décourager les gens à créer des associations», martèle-t-il. Les statistiques du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, arrêtées au 31 décembre 2011, sont d'ailleurs très prolixes à ce sujet, dénombrant 487 associations de parents d'élèves à Constantine - à titre d'exemple - alors que la wilaya compte plus de 530 établissements (enseignement primaire, moyen et secondaire).