Avec une tête de «gars de Jean-Talon» (le quartier maghrébin de Montréal), l'humoriste Réda Saoui, contre toute attente, vient de Saint-Eustache dans la banlieue nord-ouest de Montréal où il est né. Une ville où il est plus probable de croiser le nom Gingras (comme Nicole Gingras, la coiffeuse, personnage d'un de ses sketchs !) qu'un patronyme venant de Tlemcen (Algérie) où l'humoriste de 29 ans a passé les dix premières années de sa vie en alternance avec le Québec (Canada). Ce va-et-vient familial n'a pas perturbé l'enfant qu'il était. Au contraire, il lui a permis d'aiguiser son regard sur le monde et de s'imprégner des codes des deux cultures, d'où cette légitimité à se payer, sur scène, la tête des «Arabes» et des Québécois de souche. La bienveillance n'est jamais loin et aucune place à la méchanceté. Et il n'a pas dérogé à la règle dimanche dernier lors de son spectacle J'ai tort, mais j'ai raison, dans le cadre de la 16e édition du Festival du monde arabe de Montréal qui se tient jusqu'au 15 novembre. Très à l'aise sur scène, Réda Saoui arrive rapidement à briser la glace avec le public qui n'est pas que «communautaire». La technique du sondage fonctionne à merveille, où les présents passent du statut de «gênés» à celui de «complices» avec le jeune humoriste. Usant parfois d'une voix forte, il enchaîne sans transition les blagues et les situations, s'en prenant tantôt aux Arabes et autres communautés, tantôt aux Québécois de souche. Les Africains, qui sont toujours en retard, ou les Français s'étripant sur un plateau de télévision, auront aussi droit à sa médecine. Il s'en prend même à lui-même, arabe, musulman et africain. La totale ! Toutes les communautés passent sous le microscope de Réda Saoui, à commencer par la sienne, qui se spécialise dans les boucheries halal et les garderies. L'humoriste suggère de créer des boucheries-garderies intégrées ! La meilleure et qui fonctionne à tous les coups est l'histoire de la famille libanaise Show Off ! Aucune peur d'oser des sujets tabous, Québec oblige !, Réda Saoui aborde dans son numéro l'homosexualité chez les jeunes musulmans au Québec : pour concilier religion et orientation sexuelle, un jeune musulman pense à porter le hidjab ! L'humoriste écorche au passage le féminisme au Québec qui serait «une dictature». Mais ce n'est que de l'humour, on est ou on n'est pas Charlie ! Au final, une bonne dose d'humour et de délire où la réflexion et l'observation n'ont pas déserté la scène. A noter que le public du Festival du monde arabe (http://www.festivalarabe.com) a rendez-vous samedi 14 novembre avec l'humoriste algérien Abdelkader Secteur. Plus d'info sur http://www.festivalarabe.com