Le festival du monde arabe prend peu à peu racine dans le contexte culturel du Québec. Tandis que le mois de novembre apportait ses premiers flocons de neige sur Montréal, quelques Québécois étaient attablés en plein après-midi dans un petit café turc en plein air, au coeur du centre-ville, en écoutant un trio de musiciens oriental. «Oud, violon et percussions», pouvaient-on lire à l'entrée de ce petit café érigé spécialement pour la huitième édition du Festival du Monde arabe de Montréal. En effet, du 26 octobre au 11 novembre dernier se tenait le Festival du monde arabe de Montréal. Sous le thème «Espace Zéro», le festival a offert aux Québécois près de deux cents événements en rapport avec le monde arabe, pendant deux semaines. Depuis huit ans, le Festival du Monde arabe tente de jeter un pont entre l'Occident et l'Orient par le biais de la culture. «Cette idée d'espace zéro, c'est de se donner cette liberté de redessiner les lieux, de les repenser. Ces lieux que nous habitons d'une manière automatique. [...] "Espace zéro" c'est s'accorder la liberté de dessiner ensemble un nouvel espace et donc une nouvelle rencontre», explique Sophia Benyahia, directrice de la programmation du festival. Le festival arrive d'ailleurs, cette année, dans un climat un peu différent de celui des années précédentes. En effet, il est plutôt délicat au Québec, depuis les derniers mois, d'engager un dialogue entre les différentes communautés ethniques et québécoises de la province qui compte aujourd'hui près de 200.000 Libanais, 100.000 Marocains, 50.000 Egyptiens et 50.000 Algériens, selon les chiffres des consulats. Tandis que le Québec est en plein questionnement sur son identité et que la controverse autour de demandes d'accommodements religieux et culturels de certains groupes d'immigrants bat son plein au sein de la société québécoise, le fondateur, organisateur et directeur artistique du festival, Joseph Nakhlé, insiste sur la nécessité de s'ouvrir à l'autre. «Nous parlons d'espace en termes de lieu de rencontre, faisant référence, entre autres, aux cafés d'autrefois qui étaient des lieux animés où les gens échangeaient spontanément. Des parlements du peuple, comme disait Balzac! Aujourd'hui, les cafés sont aseptisés. Chacun est dans son coin, tranquille. Même chose avec les marchés publics. Nous voulons créer un espace dynamique, vivant, où il y aura de la place pour la réflexion et l'échange. Et on veut partir de zéro. Cela fait référence au vide que nous avons à emplir de futur. C'est un espace où tout est possible, où on peut d'abord se rencontrer, causer, s'ouvrir aux autres sans perdre de vue sa propre identité», affirmait-il au quotidien québécois Le Devoir, le 17 octobre dernier. Irriguer le savoir sur la culture arabe et occidentale est la principale mission du festival, selon Sophia Benyahia, directrice de la programmation. «Nous pensons que plus grand est le trou noir vers l'espace que l'on veut sien et non partageable et des différences qu'on ne veut pas nôtres, plus grande doit être la voix des artistes, puisque le seul souci des artistes est de communiquer leur authenticité. [...] L'idée c'est de participer à la vie politique et sociale, en amenant deux cultures face à face et en leur proposant une réflexion commune. Au lieu de se battre, réfléchissons ensemble, posons des questions et tentons d'y répondre par la voix du théâtre, de la musique.» Durant ces deux semaines, une douce musique orientale a donc réchauffé la Place des Arts au centre-ville de Montréal grâce à la médina érigée malgré le froid du mois de novembre qui a forcé l'annulation de plusieurs spectacles en plein air. Ainsi, lectures de poésies et projections cinématographiques ont animé la médina tandis qu'une dizaine d'exposants présentaient divers produits culturels et gastronomiques orientaux. Concert de musiques orientales et maghrébines, pièces de théâtre, spectacles d'humour, cinéma et conférences étaient également à l'honneur sur la scène culturelle de la métropole québécoise. «Ça fait au moins six ans qu'on vient au festival. Nous avons choisi les spectacles au hasard, mais nous aimons beaucoup la musique arabe. Si le festival n'avait pas lieu, il manquerait quelque chose à Montréal.» affirment Claudette Girouard d'origine québécoise et Antonio Catalano, immigrant d'origine italienne, venus assister au spectacle du groupe marocain Jajouka. «Le mari de ma coiffeuse est marocain et il ne savait même pas qu'il existait un Festival du Monde arabe à Montréal. Ils m'ont demandé de leur amener le dépliant publicitaire. C'est moi qui leur ai fait connaître le festival», renchérit-elle fièrement. Montréal accueillait d'ailleurs une intéressante brochette d'artistes algériens ou d'origine algérienne, tels que Sefsaf et son ensemble, Cheikh Sidi Bémol, La Gaâda de Béchar, Les chants de Bali et El Naïlia. Sans compter plusieurs autres artistes du Maghreb et du Moyen-Orient et du Canada. Plusieurs artistes québécois comme Michel Rivard, France d'Amour, Eric Lapointe, Wilfred LeBouthillier et l'humoriste Rachid Badouri, ont également rendu hommage à Roger Tabra, chanteur et parolier d'origine algérienne, lors d'un événement spécial organisé le 7 novembre dernier.