Après deux mois et dix jours de détention, la justice militaire n'arrive toujours pas à statuer sur l'affaire du général à la retraite Abdelkader Aït Ouarabi dit Hassan, ex-chef du Service de coopération et de renseignement antiterroriste (Scorat) dépendant du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), placé sous mandat de dépôt le 28 août dernier par le juge du tribunal militaire de Blida. Une semaine après l'ordre de transfert signé par le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, du dossier du mis en cause du tribunal de Blida à celui d'Oran, maître Mokrane Aït Larbi n'a toujours pas reçu de notification de cette décision pour lui permettre d'engager les recours nécessaires prévus par la loi. Dans un communiqué, Me Aït Larbi s'offusque et évoque «des pratiques d'un autre temps» tout en exigeant «le respect des droits» de la défense. «Depuis ma constitution pour défendre les droits du général Hassan, détenu depuis le 28 août, aucune ordonnance rendue par le juge militaire ne m'a été notifiée afin d'exercer les voies de recours conformément à la loi. C'est ainsi que ma demande de mise en liberté a été rejetée. Par ailleurs, le vice-ministre de la Défense a désigné le tribunal militaire d'Oran comme juridiction compétente, ordonné le dessaisissement du tribunal de Blida, le transfert du général Hassan et son dossier à Oran sans aucune notification officielle» écrit l'avocat. Il s'insurge et affirme que «même en temps de guerre, les ordonnances de la justice militaire sont notifiées à l'avocat de l'inculpé, conformément à l'article 96 du code de justice militaire, qui stipule : ‘‘En temps de guerre, l'avis qui doit être donné au conseil de l'inculpé de toute ordonnance intervenue, pourra 1'être par lettre missive ou par tout autre moyen''». Raison pour laquelle «je dénonce ces pratiques d'un autre temps», s'insurge l'avocat qui exige «le respect des droits de la défense dans cette affaire» tout en réitérant sa volonté de poursuivre sa mission «sans complaisance, dans le cadre de la loi». Poursuivi pour deux chefs d'inculpation— «non-respect des consignes de la hiérarchie» et «destruction de documents» —, pour nombre d'observateurs, l'ancien chef de la lutte antiterroriste fait partie de cette longue liste des officiers du DRS qui ont subi les dommages collatéraux occasionnés par la guerre entre le premier patron de l'institution, le général Toufik, et le clan présidentiel. Son incarcération aurait été décidée pour pousser le puissant patron du DRS à rendre son tablier après une chasse aux sorcières qui a ciblé essentiellement tous les cadres impliqués de près ou de loin dans l'enquête aussi bien préliminaire effectuée par les officiers du DRS, ou judiciaire, sur les affaires de corruption, notamment celles de Sonatrach dans laquelle l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, un des hommes du Président, a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international, une procédure annulée vers la fin de 2013 par la chambre d'accusation près la cour d'Alger. Le refus de notifier, à la défense du général, la décision de transfert du dossier du tribunal de Blida vers celui d'Oran n'augure rien de bon, indiquent nos sources, d'anciens collègues du mis en cause. Cette situation, disent-ils, fait craindre le pire pour l'officier supérieur «dont la détention n'a que trop duré».