Alors que les dégâts sur les relations algéro-françaises provoqués par la loi française du 23 février 2005 glorifiant la colonisation française en Algérie se font déjà lourdement sentir renvoyant aux calendes grecques la signature du traité d'amitié qui devait intervenir avant fin 2005, la France officielle vient d'assener un nouveau coup de poignard dans le dos de l'Algérie, de son histoire et de sa mémoire. Les autorités françaises ont choisi cette fois-ci un dossier dont elles n'ignorent pourtant pas la sensibilité, en l'occurrence celui des harkis, pour revisiter le passé colonial avec le même regard que celui de la loi du 23 février 2005. A l'occasion de « la journée nationale d'hommage aux harkis » célébrée chaque année le 25 février dans l'Hexagone, la ministre de la Défense française, Mme Michèle Aliot Marie, une personnalité proche du président français Jacques Chirac, a loué dans une déclaration faite devant des dizaines de harkis, dans la cour d'honneur des Invalides à Paris, la « dignité exemplaire » des harkis qualifiant ces derniers « d'hommes d'honneur qui ont combattu par fidélité à nos valeurs républicaines ». Mme Aliot Marie puisera à satiété dans le lexique des reconnaissances pour rendre hommage à « l'abnégation, au sens du devoir et à la vaillance des harkis qui ne seront jamais oubliés ». Poursuivant son intervention aux accents quasi guerriers, la ministre française de la Défense a rendu hommage aux « harkis, mokhaznis, tiralleurs, spahis, membres des forces régulières ou des forces supplétives, groupes mobiles de sécurité, groupes d'autodéfense et sections administratives spécialisées qui ont donné leur jeunesse pour la patrie, pour leur patrie ». « Honneur aux harkis » a conclu sur un cri de guerre Mme Aliot Marie. Ces déclarations d'un ministre de la République française qui interviennent dans une contexte politique où les relations entre l'Algérie et la France sont loin d'être au beau fixe surtout après l'agression caractérisée de la loi française du 23 février 2005 contre notre histoire, ne manqueront pas sans nul doute d'avoir de graves répercussions sur l'avenir des relations algéro-françaises déjà sérieusement entachées ces derniers mois. Ce climat de défiance à l'égard de l'Algérie est, selon toute apparence, sciemment entretenu par Paris pour des considérations de politique intérieure. La France se trouve actuellement en pré-campagne électorale pour les présidentielles. La classe politique française ne manque jamais de se rappeler aux bons souvenirs des harkis à l'occasion de chaque élection en courtisant leurs voix pour les ignorer et les abandonner à leur triste sort aussitôt le scrutin terminé. Les harkis sont les premiers à dénoncer les conditions peu glorieuses dans lesquelles ils vivent et l'ostracisme dont ils sont l'objet de la part du pays d'adoption qui ne leur reconnaît pas les mêmes droits que les Français de souche. Les médailles qui viennent de leur être décernées hier par la ministre de la Défense comme celles qui leur sont décernées en d'autres occasions ne font pas forcément des harkis des citoyens à part entière. Les propos tenus par la ministre française de la Défense ne peuvent pas être interprétés comme des éléments d'un débat interne à la France. Les mots ont un sens apparent et un sens caché. L'Algérie et son histoire ne peuvent pas en effet ne pas se sentir interpellés par ces déclarations outrageantes contre notre mémoire. On se rappelle les réactions démesurées de la classe politique et des médias français lorsque le président Bouteflika avait, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale française, demandé en faisant allusion aux harkis si on pouvait imaginer un pétainiste serrer la main d'un résistant. Les bons conseilleurs ne sont jamais les bons payeurs.