«C'est une nécessité (...) dans l'intérêt commun» des deux nations, a déclaré Chirac concernant le traité d'amitié. C'est aujourd'hui que l'Assemblée nationale française débattra en plénière de la proposition des socialistes (PS et PCF) d'abroger purement et simplement un article de la loi du 23 février 2005 et qui glorifiait, estiment nombre d'observateurs, le colonialisme, notamment en Algérie. Dans un entretien accordé au journal 20 Minutes, le président du groupe parlementaire socialiste, M.Jean-Marc Ayrault, estime que l'article 4, dont il sera question aujourd'hui à l'Assemblée française, est «une faute politique et une aberration éducative», voulant réhabiliter «le bon vieux temps colonial en occultant les violences et les exactions». M.Ayrault, qui avoue franchement que les socialistes ont manqué de vigilance lors du vote par le Parlement de la loi en question, note que les députés de la majorité, à savoir l'UMP et l'UDF, initiateurs du projet, sont conscients aujourd'hui de l'erreur commise avec cet article. L'article 4, faut-il le rappeler, souligne que «les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit». Les réactions en Algérie ne se sont pas fait attendre, à commencer par le chef de l'Etat en personne qui a, au cours d'un discours, dénoncé la loi et a même exigé des autorités françaises de réparer cet «affront» avant la signature du traité d'amitié qui devrait être signé entre les deux pays. Conscient de la «bourde» qui risquait de jeter encore un froid dans les relations des deux pays, Jacques Chirac à son tour est intervenu personnellement pour rappeler à l'ordre son parti qui détient la majorité au Parlement. Depuis, les choses commençaient à évoluer positivement, puisque même Douste-Blazy, l'actuel ministre des Affaires étrangères qui était l'un des principaux initiateurs de la fameuse loi, est revenu à de meilleurs sentiments en déclarant que cela relevait du rôle des historiens qui devraient écrire l'histoire et non des politiques. Des historiens français sont mêmes montés au créneau pour se dresser contre ce qu'ils ont qualifié de «mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres allant parfois jusqu'au génocide». D'après l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, le vote de la loi du 23 février 2005 est un fait «sans précédent en France et sans équivalent dans les pays démocratiques». Dans une déclaration à l'APS, l'historien estime que s'il appartient effectivement à tous ceux qui s'intéressent au passé colonial de la France d'en écrire l'histoire factuelle, politique, militaire et juridique, dans une société démocratique, l'Etat n'a pas à s'instituer comme le garant d'une interprétation du passé quelle que soit d'ailleurs cette interprétation car, d'après lui, c'est porter atteinte à des droits et libertés fondamentaux. «Aussi, est-il indispensable que les articles les plus scandaleux de la loi du 23 février 2005, qui sanctionnent une interprétation mythologique et mensongère de l'histoire coloniale de la France, soient effectivement abrogés au plus vite», indique Olivier Le Cour Grandmaison en soulignant au passage que si cela échouait aujourd'hui, pour des raisons politiques évidentes liées aux rapports de force existants à l'Assemblée nationale, les députés de l'actuelle opposition doivent prendre, estime toujours l'historien, l'engagement solennel, qu'en cas de victoire aux prochaines élections présidentielles et législatives françaises, ils abrogeront effectivement les « dispositions scélérates car gravement attentatoires aux principes qui doivent régir un Etat démocratique ». L'historien conclut en affirmant qu'aujourd'hui, il ne s'agit pas de «tourner la page», mais il s'agit surtout, d'après lui, d'assumer et de reconnaître enfin ce qui a été perpétré au cours de la colonisation en faisant droit aux légitimes revendications de ceux qui, descendants de colonisés, se battent depuis fort longtemps pour que ce passé soit reconnu et convenablement enseigné dans les collèges, les lycées et les universités. Le Parlement français qui se réunit aujourd'hui, a réellement une lourde responsabilité. L'abrogation ou non de la loi qui a soulevé le tollé dans notre pays, sera déterminante dans les relations algéro-françaises. L'abrogation des dispositions offensantes contenues dans ladite loi, faut-il le rappeler, conditionne l'avenir des relations algéro-françaises, et notamment la signature du traité d'amitié entre les deux pays. Sur ce point précisément, le président Chirac a émis le «souhait» de voir le document signé avant la fin de l'année. Interrogé en marge du Sommet de l'Euromed, le chef de l'Etat français a estimé que «c'est une nécessité (...) dans l'intérêt commun» des deux nations. La conclusion de ce traité devant marquer la réconciliation entre Paris et Alger peine à se concrétiser. Il devait faire l'objet d'un tête-à-tête Bouteflika-Chirac avant-hier en marge de l'Euromed. L'hospitalisation du président de la République a retardé la rencontre, mais celle-ci pourrait très bien avoir lieu à Paris où Bouteflika se trouve actuellement pour des soins. Il est évident que les résultats des débats de demain constitueront un facteur prépondérant pour la réussite d'une discussion entre les deux chefs d'Etat sur la question du traité d'amitié.