Alors que de nombreux dossiers contentieux liés aux exportations frauduleuses de déchets ferreux et non ferreux vont bientôt atteindre la prescription, de nombreux PV de constats originaux datés de 2001 relatifs à ce courant de fraude auraient disparu des services des Douanes du port d'Alger, avons-nous appris de source douanière. Cela a été révélé par un responsable de cette institution, dans une correspondance adressée à sa hiérarchie le 3 août dernier, précisant que ces PV n'ont fait l'objet de dépôt de plainte que le 2 du mois en cours. Ces dossiers remontent au début de janvier 2001 et représentent un montant approximatif de 340 millions de dinars. Après trois ans révolus depuis le constat de l'infraction, ils tomberont sous le coup de la prescription. Selon nos sources, quelque 200 dossiers similaires ont été détruits ou « disparus » au niveau du port d'Alger, alors que des dizaines d'autres ont connu le même sort au port d'Oran. Sur plusieurs centaines de dossiers ouverts en 2001, seulement 17 ont pu échapper à la prescription du fait qu'ils ont atterri sur le bureau du magistrat instructeur. Cette situation autorise à s'interroger sur la responsabilité de certains agents et cadres de l'institution douanière dans ce courant de fraude qui a saigné le Trésor public. Au moment où les prix des déchets ferreux et non ferreux connaissaient une augmentation vertigineuse sur les places internationales, la commission interministérielle, présidée par le ministre du Commerce et composée des représentants de la Banque d'Algérie, des Douanes et du Commerce, et qui élabore tous les 90 jours la mercuriale des prix de ces produits boursiers, n'a pas revu les tarifs à l'exportation depuis plus de vingt mois. La tonne de métaux ferreux a dépassé deux fois et demie sa valeur et le kilogramme a atteint deux fois son prix initial, alors que les exportateurs continuent de déclarer les anciens prix, et la différence va souvent dans les comptes bancaires étrangers des exportateurs. Fraude En plus du non-rapatriement des devises, ces derniers continuent de frauder sur l'origine des produits exportés, et ce, en dépit des différentes instructions des hauts responsables de l'institution douanière exigeant des contrôles a posteriori de la marchandise. En 2002, selon des sources douanières, 2000 tonnes de centraux téléphoniques usagés (maillechort) ont été exportées à partir des ports d'Oran, d'Alger et de Béjaïa. Il y a deux semaines, un bateau bourré de ferraille a été bloqué au port de Ténès par les services des Douanes. La marchandise se composait de poteaux électriques d'éclairage public, de pipelines, de plaques de signalisation et de glissières d'autoroute neuves. Comment ces produits ont-ils atterri chez cet opérateur ? Impossible d'y répondre. Ce constat a été établi par un ancien exportateur de déchets ferreux, Mohamed Benyacoub, celui qui a fait éclater le scandale au grand jour en juillet 2000 et qui continue à ce jour de mener le combat contre « les pseudo-exportateurs » de déchets. Dans cinq correspondances datées du début août, M. Benyacoub a attiré l'attention du directeur général des Douanes sur le maintien des anciens prix des déchets en dépit de la hausse de ceux-ci sur le marché international (160 dollars US la tonne de ferraille en FOB et 200 dollars US en coût et fret, 1,75 euro le kg de cuivre en FOB et 1,40 euro le kg d'aluminium). Il a également fait état du problème des prête-noms et des factures complaisantes pour frauder sur l'origine des produits qui proviendraient, selon Benyacoub, de la dégradation des lignes téléphoniques et électriques ainsi que des pipelines. Un mois auparavant, Mohamed Slimani, ancien directeur de la communication et des relations publiques au niveau de la direction générale des Douanes et président de la commission d'enquête sur les déchets ferreux et non ferreux instituée par le directeur général, a déposé plainte auprès du parquet d'Alger à l'encontre du premier responsable de l'institution douanière pour « atteinte à l'économie nationale » à travers le non-suivi de 2000 dossiers contentieux liés aux infractions à l'ordonnance 96/22. M. Slimani a accusé le directeur général des Douanes et un ensemble des cadres de l'administration qui, pour lui, ont « participé à un crime économique et à une dilapidation des deniers publics, à la destruction de dizaines de dossiers relatifs à des déclarations douanières ». Une copie de cette plainte, enregistrée au tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, a été transmise par Slimani au chef du gouvernement, le priant par la même occasion d'ouvrir une enquête sur ce qu'il a qualifié de « crime économique ». Mohamed Slimani a été relevé de ses fonctions pour des raisons inconnues à ce jour. Contacté, le chef de cabinet de la direction générale des Douanes a déclaré : « Laissez la justice faire son travail. Un citoyen a déposé plainte auprès du parquet. La justice suivra son cours. » A propos de la disparition des PV de constat liés aux dossiers contentieux des exportateurs de déchets ferreux et non ferreux, le chef de cabinet, qui assure l'intérim de la direction générale, a affirmé ne pas être « au courant » de cette affaire. « Les responsables qui gèrent ces dossiers sont en congé actuellement », a-t-il tenu à préciser.