Le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, n'a pas répondu jeudi à la question orale sur les dessous des magouilles dans les opérations d'exportation des déchets ferreux et non ferreux. La raison, a expliqué le secrétariat de l'Assemblée populaire nationale, est liée à son voyage officiel à l'étranger. « Il s'expliquera sur le sujet dans quinze jours », a déclaré le député du Mouvement d'El Islah, Lahcène Laribi, auteur de la question orale. « Pour l'instant, nous croyons à la bonne intention du ministre puisqu'il est en déplacement et nous attendons le rendez-vous avec impatience », a-t-il ajouté. Le député a révélé avoir reçu une vingtaine de lettres adressées par des exportateurs de déchets ferreux et non ferreux qui dénoncent « la passivité et la complicité des services des douanes, de la Banque d'Algérie et du commerce » face à ce fléau qui ronge le commerce extérieur. Il a qualifié la situation de très grave dans la mesure où « l'on assiste à la mainmise d'exportateurs étrangers sur ce commerce pour couvrir une activité qui porte atteinte à la sécurité de l'Etat », sans pour autant être plus explicite. Face à l'impuissance, pour ne pas dire la passivité des institutions chargées du contrôle du commerce, ce courant de fraude fait perdre à l'Algérie des sommes colossales en devises placées ailleurs dans des banques étrangères. En effet, au moment où les prix de ces produits ont doublé, voire triplé sur les places internationales, la commission interministérielle (présidée par le ministre du Commerce et composée des représentants de la Banque d'Algérie, des douanes et du commerce) chargée de revoir tous les 90 jours la mercuriale des prix de ces produits boursiers, ne s'est pas réunie depuis plus de 20 mois. Dans plusieurs correspondances datées du début du mois d'août dernier, Mohamed Benyacoub (qui a fait éclater le scandale en juillet 2000) a attiré l'attention des responsables de la Banque d'Algérie et des douanes sur le maintien des anciens prix des déchets en dépit de la hausse de ceux-ci sur le marché international (160 dollars US la tonne de ferraille en FOB et 200 dollars US en coût et fret, 1,75 euro le kg de cuivre en FOB, 1,40 euro le kg d'aluminium). Evidemment, la différence entre les prix réels et ceux déclarés est versée dans des comptes bancaires domiciliés notamment en France, en Turquie, à Chypre et en Espagne. En plus du non-rapatriement des devises, dont la responsabilité incombe en premier lieu à la Banque d'Algérie, de nombreux exportateurs continuent de frauder sur l'origine des produits exportés et ce en dépit des différentes instructions des plus hauts responsables de l'institution douanière exigeant des contrôles a postériori de la marchandise. En outre, sur plusieurs centaines de dossiers ouverts en 2001 seulement dix-sept ont pu échapper à la prescription du fait qu'ils aient pu atterrir sur le bureau du magistrat instructeur. Cette situation prouve encore une fois la responsabilité de certains agents et cadres de l'institution douanière dans ce grave courant de fraude qui a saigné le Trésor public et continue (depuis son éclatement l'été 2000) à le saigner à ce jour. Cette affaire a, rappelons-le, poussé le premier magistrat du pays à ouvrir une enquête par le biais de l'Inspection générale des finances (IGF), dont les conclusions ont été accablantes. A partir de ces révélations, une autre commission d'enquête a été installée par le directeur général des Douanes nouvellement installé. Cette commission a réparti ses investigations en deux étapes. La première concerne la période 1994-1997, dont le nombre de dossiers frauduleux découverts a atteint les 2000, alors que la deuxième a pris en charge les affaires constatées durant les années 1998, 1999 et 2000 durant lesquelles il a été recensé 800 dossiers contentieux. Ces résultats ont poussé l'administration à déposer une plainte globale au niveau du parquet d'Alger en 2001. Mais à quelques mois de la prescription des dossiers (3 ans révolus à la date du constat de l'infraction, c'est-à-dire le 30 septembre), le 15 mars 2004, un télex émanant de la direction générale demandait le renvoi de toutes les affaires vers les services extérieurs (directions régionales) pour leur traitement localement et le dépôt de plainte au niveau des parquets des circonscriptions. Il y a deux mois, Mohamed Slimani, ancien directeur de la communication et des relations publiques au niveau de la direction générale des douanes mais également président de la commission d'enquête sur les exportations des déchets ferreux et non ferreux instituée par le directeur général, a déposé plainte auprès du parquet d'Alger à l'encontre du premier responsable de l'institution douanière pour « atteinte à l'économie nationale » à travers le non-suivi de 2000 dossiers contentieux liés aux infractions à l'ordonnance 96/22. M. Slimani a accusé le directeur général des Douanes et un ensemble des cadres de l'administration qui, pour lui, « ont participé à un crime économique et à une dilapidation des deniers publics, destruction de dizaines de dossiers relatifs à des déclarations douanières... » Une copie de cette plainte, enregistrée au niveau du tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, a été transmise par M. Slimani au chef du gouvernement, le sommant par la même occasion d'ouvrir une enquête sur ce qu'il a qualifié de « crime économique ». A rappeler que Mohamed Slimani a été relevé de son poste pour des raisons inconnues à ce jour. La direction générale des douanes n'a jamais voulu s'exprimer sur le sujet. Néanmoins, Sid-Ali Lebib, premier responsable de l'institution, a déclaré récemment à la presse qu'il a été enregistré 200 plaintes au niveau du parquet. Révélation qui confirme la disparition de dossiers liés à ce grave scandale. Au début du mois d'août dernier, de nombreux procès-verbaux de constats originaux datés de 2001 relatifs à ce courant de fraude ont disparu des services des douanes du port d'Alger. Cette information a été révélée par un responsable dans une correspondance adressée à sa hiérarchie le 3 août dernier, précisant toutefois que ces PV n'ont pas fait l'objet de dépôt de plainte. Il est précisé que celle-ci (la plainte) n'a été enregistrée que le 2 du mois en cours. A signaler que ces dossiers remontent tous au début du mois de janvier 2001 et représentent un montant approximatif de 340 millions de dinars (34 milliards de centimes). Après trois ans révolus depuis le constat de l'infraction, ils tomberont sous le coup de la prescription. Selon nos sources, quelque 200 dossiers similaires ont été détruits ou portés disparus au niveau du port d'Alger, alors que des dizaines d'autres ont connu le même sort au port d'Oran. Sur plusieurs centaines de dossiers ouverts en 2001, seulement dix-sept ont pu échapper à la prescription du fait qu'ils aient pu atterrir sur le bureau du magistrat instructeur. Cette situation prouve encore une fois la responsabilité de certains agents et cadres de l'institution douanière dans ce grave courant de fraude.