Deux jours après l'attentat à la bombe qui a visé le centre-ville de Tunis, les appels à une stratégie globale contre le terrorisme se sont multipliés en Tunisie. En effet, alors que les partis politiques et la société civile ont exhorté à «l'union nationale» et souligné la nécessité de «se ranger derrière les forces de l'ordre», nombreux sont ceux qui ont jugé que les mesures annoncées dans la foulée de l'attentat suicide contre la garde présidentielle «superficielles». Pour l'expert indépendant Selim Kharrat, il s'agit de «décisions superficielles prises pour rassurer une opinion publique apeurée, qui dénotent d'un manque de vision» et ont un air de «déjà-vu». De son côté, Hamza Meddeb, chercheur non-résident au Carnegie Center s'interroge : «Quelle est la stratégie de fond ? Quid de la réforme des appareils sécuritaires ? Que prévoyez-vous de faire pour l'éducation et contre le chômage ? Il n'y a pas de réponse». A cet effet, l'élu de gauche Ahmed Seddik lors de son intervention au Parlement en présence du Premier ministre a lancé : «Notre peuple attend davantage». «Une vraie stratégie nationale concertée contre le terrorisme qui mobilise l'Etat, la société civile et les partis n'existe pas», souligne-t-il. Ce parlementaire n'est pas le seul à penser cela. Plusieurs autres députés, à l'image d'Abdellatif Mekki, du parti islamiste Ennahdha, la deuxième force politique, ont réclamé la tenue d'un congrès national sur la lutte antiterroriste maintes fois évoqué, mais jamais organisé. Face aux critiques, le chef du gouvernement Habib Essid a défendu hier les mesures prises devant les élus. «Nous avons parlé d'intensifier le blocage des sites. Nous en avons bien sûr bloqué par le passé», a-t-il précisé. Ce dernier a aussi assuré qu'un plan pour l'emploi des jeunes habitant dans les régions jouxtant les montagnes où sont retranchés des djihadistes et où chômage et misère sont prégnants serait mis en œuvre «à partir de la semaine prochaine». Par ailleurs, et après avoir rétabli dès mardi soir l'état d'urgence dans tout le pays et imposé un couvre-feu nocturne dans le Grand Tunis, les autorités tunisiennes ont annoncé une série de mesures, dont la fermeture de la frontière avec la Libye. Internet D'ailleurs, selon un communiqué de la présidence, le Conseil de la sécurité nationale, présidé par le chef de l'Etat Béji Caïd Essebsi, a décidé «la fermeture de la frontière avec la Libye pendant 15 jours à partir de minuit ce jour (mercredi), avec renforcement de la surveillance sur les frontières maritimes et dans les aéroports». Autres mesures prises : «Intensifier les opérations de blocage des sites (internet) en lien avec le terrorisme», «prendre des mesures urgentes concernant les personnes revenant des foyers de conflit dans le cadre de la loi antiterroriste», sans préciser lesquelles, et «activer la loi antiterroriste le plus vite possible». Par ailleurs, le Conseil de la sécurité nationale a annoncé le recrutement de 3000 agents supplémentaires au ministère de l'Intérieur et 3000 autres dans l'armée en 2016. Pour rappel, mardi dernier le centre-ville de Tunis a été le théâtre d'un effroyable attentat terroriste. En effet, un kamikaze a déclenché sa ceinture explosive contre un bus transportant des membres de la sécurité présidentielle, provoquant la mort de 14 personnes. D'ailleurs, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur, les analyses biologiques finales effectuées sur le treizième cadavre retrouvé ont permis d'identifier Houssam Ben Hedi Ben Miled Abdelli, un vendeur ambulant qui vivait dans le quartier populaire de Daouar Hicher, dans le gouvernorat de Manouba. Cette attaque fait suite à celles de Sousse et du musée du Bardo, qui ont fait 60 morts. Dans l'après-midi de mercredi, l'organisation terroriste l'Etat islamique (Daech) a revendiqué l'attentat. Suite à cela, le ministère de l'Intérieur a en outre précisé que l'explosif utilisé la veille était du «Semtex, un produit déjà retrouvé dans des ceintures explosives saisies en 2014 après avoir été introduites illégalement de Libye».