Le général-major Toufik est «consterné». On a du mal à croire que cet ancien «homme fort» du régime puisse un jour connaître ce sentiment particulier vis-à-vis de ses anciens coreligionnaires : la consternation. Cela suppose que le général ne s'attendait pas à ce que l'on jette en prison, comme un vulgaire délinquant, un héros de la lutte antiterroriste, le général Hassan, et qu'on lui inflige une peine aussi grave. Le général tombe des nues, comme s'il ne connaissait pas la détermination du «clan», notamment de son ennemi juré, le général Gaïd Salah, celui-là même qui l'a poussé vers la sortie. La consternation, le général Toufik ne l'a connue qu'à travers celles et ceux, parmi les personnalités de l'opposition, qui se sont exprimés par exemple contre le troisième mandat de Bouteflika. Ils étaient nombreux à se sentir «consternés» par l'amendement de la Constitution, l'ancien président Liamine Zeroual en premier, pour permettre à Bouteflika de briguer et de remporter un nouveau mandat. Sous la supervision personnelle du général Toufik, une parodie électorale a été organisée, avec un système de fraude sophistiqué. Le général s'est cru définitivement installé comme le bras droit du président de la République et un élément incontournable du système en place. La consternation, le général l'a déjà vue sur les visages de ses anciens compagnons d'armes aujourd'hui disparus, les généraux-majors Fodil Cherif et Mohamed Lamari, lorsqu'ils ont compris que Toufik les avait lâchés pour soutenir le deuxième mandat de Bouteflika. De l'aveu du défunt Fodil Cherif, Toufik avait convenu avec eux que le locataire d'El Mouradia ne ferait pas de deuxième mandat. D'aucuns pensent que ce sont le président américain Georges W. Bush, associé aux «pétroliers» et aux monarchies du Golfe, qui ont fait pression sur le puissant patron du DRS pour favoriser la reconduction de Bouteflika à la tête du pays. Toufik a changé de cap tout en restant impassible devant la «consternation» de ses vieux camarades. La consternation, Toufik a dû l'affronter des jours durant, lorsqu'il a été clairement établi que le président Bouteflika allait briguer un quatrième mandat en dépit de sa maladie handicapante. Les médias, les partis de l'opposition, de simples citoyens ont manifesté leur désapprobation, accusant le régime de transformer l'Algérie en une république «bananière». Rien n'y a fait, Bouteflika garde son trône, peut-être pas avec toute la bénédiction de Toufik, mais presque. Car, à vrai dire, le clan présidentiel avait déjà préparé le terrain pour réduire l'influence du DRS et… assurer les conditions de son éjection. La consternation de Toufik pourrait peut-être constituer un élément probant dans la réhabilitation du général Hassan. Un témoignage que la juridiction militaire d'Oran pourrait ne pas prendre pourtant en considération. On l'oublie souvent, mais depuis l'avènement de Bouteflika, l'Algérie vit une situation de non-droit aggravée par les luttes intestines autour de la succession du président Bouteflika.