Intervenant à l'occasion d'un hommage organisé samedi par la direction de la culture, les conférenciers sont revenus longuement sur la vie et le parcours de cet auteur qui a marqué par sa plume les premiers pas de l'écriture en tamazight. «Un immense écrivain qui a su rendre hommage à l'âme de la Kabylie, mais qui demeure méconnu dans notre pays», note l'universitaire et journaliste Youcef Saih. Pour Saïd Chemakh, enseignant au département de langue amazighe de l'université Mouloud Mammeri, Belaïd Ath Ali est le premier Algérien qui a écrit un roman en tamazight. «Le meilleur hommage qu'on puisse lui rendre est de lire ses œuvres et les enseigner», dit-il. Selon M. Chemakh, l'histoire du roman amazigh demeure méconnue pour ne pas dire inconnue. «Né au milieu du XXe siècle, avec la publication de Lwali N Wedrar (Le saint homme de la montagne) de Belaïd Ath Ali, le roman amazigh a connu un développement fulgurant à la fin des années 1990 et au début du XXIe siècle. Les publications se sont multipliées, et ce, en plusieurs langues. Mieux encore, le roman est écrit dans plusieurs variétés dialectales : kabyle, chleuh, rifain, etc. Nous assistons à une diversification des sous-genres, roman féminin, roman policier, roman historique». Selon la biographie remise à la presse, Izarar Belaïd est né le 25 novembre 1909 à Bouira, l'une des localités où sa mère a exercé comme institutrice. En 1915, celle-ci quitte l'enseignement et s'installe avec son mari et ses enfants à Azrou Kollal (près de Aïn El Hammam), son village. Il fréquente l'école où il se distingue pour avoir déjà la maîtrise de la langue française. A l'âge de 11 ans, il s'établit en France avec son demi-frère. En 1925, après la mort de son père, Belaïd Ath Ali regagne Azrou. C'est ici que le découvrira le père Degezelle. Installé dans la mission des Pères Blancs d'Ouaghzen, située à 4 km au sud-est d'Azrou, ce Français venait souvent au village dispenser quelques soins élémentaires de médecine. Il se lie d'amitié avec le futur auteur-poète et lui propose en 1945 d'écrire des contes en kabyle. Ath Ali se met d'abord sans conviction à écrire le conte d'Aubépin. Mais très vite il découvre la profondeur de la langue berbère et emploie toute son ardeur à composer dans sa langue. Selon des témoignages, «son œuvre va au-delà de la transcription de quelques contes, il s'attacha à les remanier en leur donnant une dimension nouvelle. Il a su leur insuffler une âme en introduisant le conteur à l'intérieur même du récit». Dans son œuvre, il dépeint la société kabyle en accordant un rôle central à la femme. Il s'essaye aussi à la poésie dans laquelle il raconte ses souffrances, son isolement, ses incertitudes mais aussi ses espoirs qu'il chantait accompagné de sa mandoline. Dans le poème Ma montagne, il déclare sa flamme à sa région natale. «O montagne des Igawawen, toi qui porte les plus beaux des noms. Toi que je pleure dans mon exil, chose surprenante, quiconque s'éloigne de toi s'ennuie et soupire après toi ! Qu'y a-t-il donc en toi de si attachant ? Au cœur de tous mes voyages, mon cœur était au Djurdjura». Belaïd Ath Ali décède le 12 mai 1950 à l'hôpital de Mascara. Il laisse des dizaines d'écrits, dont un roman, des contes et des poèmes. En dehors de quelques textes non publiés, figurant dans le manuscrit original déposé au Centre de recherche berbère de l'Inalco (Paris), son œuvre tient entièrement dans les deux volumes édités par Dallet et Degezelle, a-t-on précisé.