Le 20e Salon international du livre d'Alger a consacré une journée thématique «spécial amazighité», jeudi dernier, à la salle Ali Maâchi, à la Safex, aux Pins maritimes. Des universitaires, des chercheurs, des auteurs ainsi que des éditeurs ont partagé la même tribune pour parler de leurs expériences respectives dont l'élément fédérateur est la langue amazighe. L'auteur, Mohand Ibrahim, est revenu sur la vie et l'œuvre d'un écrivain qui est mort à l'âge de 40 ans en 1952. Il s'agit de Belaïd Izarar, plus connu sous le nom de Belaïd Aït-Ali, originaire de Azru Uqellal, à Aïn El Hammam. Il est considéré comme le premier écrivain en langue kabyle. Il a écrit son premier roman en 1946. Il est poussé par le Père Degezelle à raconter des histoires. Il commence alors à transcrire des récits oraux. Mohand Ibrahim précise qu'il a écrit dans une langue sans connaître l'écriture kabyle. Il a commencé à écrire en inventant des codes. A chaque phonème, il a donné un signe. «J'ai eu l'honneur de le connaître. J'ai encore cette image lui apportant une soupe que mon père m'avait demandé de lui remettre. Il était toujours dans le besoin. Il m'a donné une carte postale, mais évidemment, je ne l'ai pas gardée», dit-il ironiquement. L'orateur rappelle qu'il a réécrit les cahiers de Belaïd Aït Ali, et ce, d'après le manuscrit original qui se trouve au niveau du Centre de recherche berbère de l'Inalco. L'œuvre de Belaïd comporte les deux volumes édités par Dallet & Degezelle. Hammed Djellaoui, professeur de tamazight à l'université de Bouira, auteur et critique, a axé son intervention sur la création et l'écriture de tamazight. Il a soulevé le problème des universitaires et chercheurs qui ne donnent pas beaucoup d'intérêt à la langue tamazight. Ils préfèrent écrire en arabe ou en français, au détriment de la langue tamazight. Hammed Djellaoui est catégorique : «Il faut pousser cette langue à l'évolution. Les universitaires doivent écrire en tamazight !» Il est convaincu que si les universitaires n'écrivent pas en tamazight, c'est qu'ils préfèrent écrire dans la langue qu'ils maîtrisent. «Ecrire en tamazight, cela signifie un double effort. Il faut qu'ils lisent dans d'autres langues pour traduire. La traduction, ce n'est pas facile, c'est pour cela qu'ils préfèrent la facilité. Ils devraient absolument remédier à cet état de fait pour aider et contribuer à l'expansion de cette langue», précise-t-il. A la fois écrivain et directeur de la maison d'édition Tira de Béjaïa, Brahim Tazaghart pense qu'une maison d'édition est avant tout une institution. Elle se doit de détenir un projet culturel ambitieux. Elle ne devrait pas être un simple commerce. Elle doit posséder un fonds intellectuel. «Aux éditions Tira, éclaire-t-il, nous croyons qu'on ne peut pas arriver à une culture nationale sans un mouvement de traduction soutenu essentiellement entre les langues nationales en première étape et avec les langues étrangères en seconde, langues d'ouverture et d'enrichissement. La traduction pour nous est un moyen d'ouvrir le débat avec l'autre. Nous étions pendant longtemps dans un dialogue fermé avec l'Occident, alors que la question identitaire se pose. Il faut gérer cette pluralité avec la culture arabe. Le pluralisme en Algérie doit influer sur le pluralisme des pays arabes et musulmans. L'Algérie peut donner peut-être un modèle dans la gestion du pluralisme culturel et linguistique. C'est dans ce sens que nous avons favorisé la traduction d'auteurs en arabe vers le tamazight et vice versa.» Tira édition existe depuis 2008 avec un calendrier de 68 publications, essentiellement en tamazight, avec des ouvertures sur le français et l'arabe. Concernant la coédition, il indique que sa maison a travaillé avec le HCA en 2009. Tira recense une deuxième coédition avec une maison d'édition à Barcelone. L'intervention de l'auteur et de l'inspecteur de tamazight à Tizi Ouzou, Habib Allah Mansouri, a été des plus percutantes. Il soutient que passer d'une langue à une autre n'est pas une action facile. Il y a une stratégie à respecter. Il se demande pourquoi traduire en tamazight alors que la moitié des gens parlent en arabe ou en français. Il assigne plusieurs objectifs, dont celui de se rapproprier le patrimoine amazigh en traduisant des œuvres majeures de la littérature algérienne. .