Le paysage éditorial en cette langue souffre de toutes les contraintes, principalement politiques. L'expérience éditoriale en langue tamazight en Algérie a été, avant-hier, le thème d'une rencontre-débat organisée dans le cadre de la onzième édition du Salon international du livre d'Alger. Animée par Brahim Tazaghart, écrivain en Tamazight, la conférence a porté sur une problématique dont on ne cesse de parler: l'intérêt qu'on accorde à l'édition en tamazight. Cette problématique devient d'autant plus sérieuse lorsqu'on apprend qu'en l'espace de 16 ans, soit depuis 1990 à nos jours, l'on a enregistré que 170 ouvrages publiés en cette langue. Il y a là vraiment matière à réflexion. D'autant qu'on ne cesse, çà et là, d'évoquer la «volonté politique» de nos gouvernants de travailler pour la promotion et au développement de la langue amazighe. Une langue qui, à cause de plusieurs contraintes, continue de se débattre comme un démon dans un bénitier. Le conférencier soutient, et à juste raison, que si la langue berbère a pu résister à toutes sortes d'invasions étrangères, c'est grâce à l'oralité. Cette situation a duré jusqu'au XXe siècle. Epoque pendant laquelle cette langue commence à passer à l'écrit. Selon Brahim Tazaghart, le premier roman écrit en langue amazighe remonte aux années quarante. Le premier ouvrage publié en cette langue, date de 1947. Ecrit par Belaïd Ath Ali, ce roman s'intitule Lwali N'wedrar (Le Sage de la montagne). Bien avant cette date, il y avait des poètes qui sont de surcroît prolifiques et d'un talent sans égal, à l'instar de Si M'hand U'Mhand et Cheikh Mohand U'L'Hocine. Néanmoins, leurs productions, si le mot nous le permet, sont restées au stade de l'oralité. Les vers des deux poètes, faut-il le rappeler, n'avaient été transcrits qu'à partir des années soixante. Ce travail a été réalisé notamment par Mouloud Feraoun et Mouloud Mammeri. Le premier avait publié, en 1961 aux éditions de Minuit, Les poèmes de Si Mohand; tandis que le second avait édité, Les Isefras de Si Mohand Ou M'hand, Les poèmes kabyles anciens, parus respectivement en 1969 et 1980 aux éditions Maspero. Il faut souligner par ailleurs, que le paysage éditorial en tamazight a, et jusqu'à la fin des années 1980, souffert des contraintes, principalement politiques. En effet, les chercheurs activant pour la promotion de cette langue ont été contraints de travailler dans la clandestinité. Et les audacieux d'entre eux, qui usaient de toutes sortes de subterfuges, étaient tout simplement traqués par les services de renseignement algériens. L'on se rappelle dans cette optique, l'interdiction à l'écrivain, linguiste...Mouloud Mammeri, de présenter, en mars 1980 à l'université de Tizi Ouzou, une communication portant sur les poèmes kabyles anciens. Toutefois, la situation a connu un certain changement depuis le début des années 1990. Selon Brahim Tazaghart, depuis, l'on a recensé plus de 170 ouvrages écrits en tamazight, tous genres confondus. Néanmoins, la majorité de ceux qui écrivent en cette langue, le font par pur acte de militantisme. De ce fait, on remarque, notamment dans le roman, le fossé manifeste qui sépare le romancier du militant. Et cela a des répercussions néfastes sur la qualité de la production littéraire en tamazight. Mais cela est un autre débat. Car la promotion d'une langue dépend initialement d'une décision politique sereine et responsable. Et en Algérie, c'est la politique de façade qui règne. Et l'on sait tous que, en Algérie, ce genre de politique a grignoté tout, y compris la langue...