Amar Mezdad fait partie, pour Nacereddine Aït Ouali dans son livre qui vient de paraître*, « de ceux qui ont pris au tournant des années 1990, le relais des précurseurs et des pionniers de la littérature de langue amazighe ». Celle-ci ne bénéficie certes pas de la visibilité et n'a pas l'écho des publications paraissant en arabe ou en français. Pourtant, au fil des années, elle s'enrichit de nouvelles publications et trouvent désormais une modeste place dans le catalogue de certains éditeurs, y compris étatiques. L'Enag, l'Anep et surtout le HCA ont alimenté cette veine. Partant sur les traces de toute cette production, l'auteur en situe la genèse en 1946 avec la parution des « Cahiers de Belaïd Aït Ali » dont un des récits « lwali nwadrar », a, selon lui, les caractéristiques d'une œuvre de fiction. L'éditeur Dar Khattab a mis en 2009 sur le marché l'œuvre intégrale de Belaïd Ath Ali accompagnée d'un ouvrage de Mohand Ibrahim au titre évocateur « L'écrivain et le génie littéraire », paru deux années plus tard. S'ensuivra une longue éclipse de la littérature amazighe. Elle sera toutefois entrecoupée de travaux de collecte de pièces du patrimoine comme les poèmes de Si Muhand réunis d'abord par Mouloud Feraoun puis par Mouloud Mammeri en 1969. Longtemps, ce sont d'autres langues qui ont permis de fixer les sentiments, les rêves des berbérophones. Le tamazight servit davantage à la poésie chantée ou non, aux légendes et contes ou proverbes recueillis par d'innombrables chercheurs (Taous Amrouche et son frère Jean, Nacib, Ferrad, Tassadit Yacine....). Le passage à l'écrit est récent même si dans un livre d'entretiens réalisé au milieu des années 1980 par Tahar Djaout, l'auteur de « La colline oubliée » confiait avoir écrit quelques passages directement dans sa langue maternelle. L'écriture de la fiction est apparue concomitamment avec l'émergence du mouvement berbère dont un roman, celui de Saïd Sadi « Askuti » sorti en 1983, s'inspire directement des événements d'avril 1980. Depuis, à la faveur de la libéralisation du champ politique, éditorial, de la reconnaissance par l'Etat de la dimension berbère de la culture et de la personnalité algérienne, de nombreux livres ont paru. L'auteur nous offre un panorama quasi-complet de toute cette production. Aït Ouali, docteur en littérature française de l'Université Paris 8, procède à l'analyse des romans qui ont marqué les différentes périodes bien délimitées. Outre Belaïd Aït Ali, on trouve les écrits de Rachid Alliche, influencé dans son premier livre « Asfel » par le nouveau roman et d'écrivains plus récents comme Salem Zenia ou Mourad Zimu connu aussi comme chanteur original et novateur. Des textes plus récents comme les nouvelles de Djamel Arezki ou Saïd Chemakh, qui se sont exprimés sur le registre de la nouvelle, ont subi le même « traitement ». Il en repère les thématiques, décrypte les personnages et les situations et tente une classification en genres. A ce propos, il accorde une place au roman qui s'inscrit dans le registre historique. Il évoque à la fois les aspects qui fragilisent l'essor de cette littérature (poids de la tradition orale, usage des néologismes, problèmes de transcription...) et les facteurs qui alimentent l'espoir dans l'avenir. Le chercheur se montre sévère sur certains aspects qui rapprochent quelques auteurs, écrit-il du degré zéro de la littérature. Il perçoit aussi des signes de vitalité et de recherche thématique ou formelle chez d'autres. Du point de vue thématique ou esthétique, il constate « une diversité d'approches, une certaine recherche. Les romans s'ouvrent à d'autres sujets comme l'amour, la condition féminine ou l'intégrisme religieux ou le terrorisme », note-t-il (P. 189). Le livre est un bon outil pour découvrir ce pan méconnu de la littérature qui exprime des réalités algériennes et le contexte qui sous-tend toute cette écriture. R. Hammoudi * L'écriture romanesque kabyle d'expression berbère. 195 pages, Editions L'Odyssée, 450 DA