L'Irak a vécu hier l'une des journées les plus meurtières depuis le déclenchement du cycle de violence consécutif à l'invasion américaine. Une situation évoquée par le président français Jacques Chirac qui a estimé lundi qu'« on a ouvert une boîte de Pandore » en Irak, et « que nous sommes incapables de refermer ». Pour le chef de l'Etat français, « la situation est grave et ne s'améliore pas ». Très à l'aise dans ce constat, il a souligné que « nous n'avons pas l'intention, ni les uns ni les autres, de changer de position, (une position dont) nous pensions en conscience qu'elle était conforme aux problèmes qui se posaient », a-t-il dit aux côtés de MM. Schroeder et Zapatero, tous deux comme lui opposants du premier jour à l'intervention militaire anglo-américaine en Irak. Le constat reste malgré tout indulgent, car la situation non seulement ne s'améliore pas, mais elle s'aggrave, et il n'y a que les Américains et les tout nouveaux responsables irakiens décidément coupés de la réalité qui entendent faire croire le contraire. Attentat meurtrier En effet, 47 personnes ont été tuées et 114 autres blessées dans l'attentat à la voiture piégée commis hier matin devant le quartier général de la police de Baghdad, selon un bilan du ministère de la Santé. L'attentat s'est produit dans la rue Haïfa, au centre de la capitale irakienne, à l'entrée principale du complexe de la police Al Kharkh, et à proximité de magasins et d'échoppes, dont un café bondé au moment de la déflagration, selon un policier, le sergent Haïdar Hamid. L'explosion a dévasté les abords du quartier général, qui abrite aussi un centre de recrutement et un poste de police. Elle a détruit une quinzaine de commerces et sept voitures. Selon des témoins, des dizaines de personnes, notamment de jeunes Irakiens souhaitant s'engager dans la police, attendaient devant le bâtiment au moment de l'attentat. A tort ou à raison, le quartier de la rue Haïfa est considéré comme l'un des bastions des partisans du président déchu Saddam Hussein. Treize personnes y ont été tuées dimanche dans des affrontements entre les forces américaines et des membres de la guérilla et un raid aérien américain. Les attentats en Irak ont fait plus de 3000 morts et 12 000 blessés, a affirmé dimanche dernier le Premier ministre irakien Iyad Allaoui, sans préciser la période pendant laquelle ces victimes sont tombées, ou encore leur identité, sachant que de telles opérations visaient aussi les soldats étrangers. Comme il ne dit pas ce que la nouvelle police irakienne a perdu en hommes. Car, outre l'attentat de Baghdad, douze autres policiers et un civil ont été tués le même jour dans une attaque armée lancée par des inconnus contre leur véhicule à Baâqouba, au nord de Baghdad, a-t-on appris de source policière. Soit un bilan provisoire de près de soixante policiers tués durant la seule journée d'hier. Ailleurs en Irak, des rebelles ont une nouvelle fois saboté tôt hier matin l'oléoduc principal reliant le nord du pays au port turc de Ceyhan, une semaine après sa réparation, a indiqué la police irakienne. Des inconnus armés ont fait sauter cet oléoduc, à 60 km à l'ouest de la ville de Kirkouk, hier vers 7h00 (3h00 GMT), a-t-on précisé de même source, ajoutant que « l'oléoduc a pris feu ». La conduite a été attaquée à de nombreuses reprises depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003, et l'exportation du pétrole par le nord de l'Irak reste irrégulière. Le précédent sabotage avait été réparé la semaine dernière. Un autre oléoduc, apparemment de moindre importance, avait été saboté trois heures plus tôt, également à l'ouest de Kirkouk, a ajouté la même source. C'est un constat qui revient avec une effroyable régularité. C'est la dure réalité des Irakiens sous occupation, une violence jamais vécue auparavant, mais prévisible en cas d'attaque américaine, selon les analyses les plus sérieuses. C'est la boîte de Pandore, comme la décrit le chef de l'Etat français. Et rien n'indique que les Américains ignoraient une telle perspective.