Attaqué de toutes parts, et sûr que sa politique irakienne ne connaît pas le succès escompté, le président Bush, candidat à sa propre succession lors de l'élection présidentielle du 2 novembre prochain, a décidé de répliquer aux critiques de plus en plus fortes, et qui ne sont pas uniquement des propos de campagne. On se rappelle que le président français, Jacques Chirac, a dressé un constat plus que sévère. En déclarant que « la boîte de Pandore a été ouverte » et que ceux qui en ont pris le risque ne peuvent plus la refermer, M. Chirac a aussi une perspective qui ne peut être que sombre. Et plus de cent morts en un jour, cela fait évidemment beaucoup et traduit toute la détermination des resistants irakiens. Toutefois, le président américain sortant George W. Bush cherche à minimiser le regain de violence en Irak même si John Kerry, son adversaire à la présidentielle de novembre, redouble ses attaques face à la dégradation de la situation. « En dépit de la violence actuelle, l'Irak a un Premier ministre solide, un conseil national et des élections sont prévues en janvier », a affirmé mardi le président républicain sortant lors d'un discours à Greenwood Village (Colorado). Il faisait ainsi indirectement allusion à une nouvelle journée de carnage en Irak où plus de 70 personnes ont été tuées, dont 47 dans un attentat à la voiture piégée au cœur de Baghdad, l'un des plus meurtriers dans la capitale irakienne depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003. Pour M. Bush, qui a pris une légère avance dans les sondages, le but est de se dissocier le plus possible de l'évolution de la situation sur le terrain et de replacer la guerre en Irak dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Un discours que semble apprécier une frange de l'opinion américaine persuadée que personne mieux que George Bush ne pourra lutter contre ce fléau. Mais encore faut-il que la situation en Irak soit appréhendée avec exactitude, à commencer par la guerre et l'opposition à l'occupation américaine. En tout état de cause son rival démocrate qui avait voté la guerre contre l'Irak énonce la politique de l'administration républicaine depuis la chute de Saddam Hussein. « George W. Bush continue à dire que les choses s'améliorent même si nous savons tous que cela n'est pas vrai. Quoi qu'il dise, nous pouvons tous voir ce qui se passe en Irak, dans les journaux et à la télévision. Mais pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que George W. Bush soit honnête à propos de l'Irak ? Il ne l'a jamais été », a accusé mardi M. Kerry lors d'une réunion à Toledo (Ohio). « La situation est grave, et nous avons besoin d'un président qui donne une nouvelle direction et qui soit honnête avec les Américains », a-t-il poursuivi. Face à ses attaques, le camp Bush continue de présenter John Kerry comme une girouette, critiquant les différentes décisions qu'il a prises sur le sujet en tant que sénateur du Massachusetts. « Le 2 novembre, l'Amérique doit faire un choix entre un président solide et déterminé et son adversaire qui semble adopter une nouvelle position chaque jour », a déclaré le vice-président Richard Cheney. Bien entendu, un tel débat ne pourrait intéresser les Irakiens qui vivent la peur au ventre. Dix personnes ont, en effet, été tuées et six blessées dans des heurts hier entre rebelles et marines à Ramadi, 100 km à l'ouest de Baghdad, alors que le gouvernement américain a annoncé une augmentation des dépenses de sécurité en Irak pour tenter de faire face à l'intensification de la violence, une décision qui dément les propos rassurants de George W. Bush. A Essaouira (40 km au sud de Baghdad), deux personnes ont été tuées et dix autres blessées dans l'explosion d'une voiture piégée qui a visé un barrage de la Garde nationale irakienne. Par ailleurs , les corps décapités et les têtes de trois personnes, apparemment des Irakiens, ont été découverts par des soldats américains au nord de Baghdad, a-t-on appris de source militaire américaine. Pendant ce temps, le bilan de l'attentat à la voiture piégée qui a visé mardi le QG de la police à Baghdad s'est alourdi, passant de 47 tués et 114 blessés à 49 morts et 131 blessés. Face à l'intensification de la violence, le gouvernement américain, sur recommandation de son ambassadeur à Baghdad, John Negroponte, a annoncé son intention de transférer quelque 3,4 milliards de dollars d'aide à la reconstruction, sur les 18,4 milliards prévus, vers des dépenses liées principalement à la sécurité. Ce transfert devrait permettre le recrutement et la formation de quelque 35 000 policiers irakiens, 16 000 gardes-frontières ainsi que 20 brigades supplémentaires de la Garde nationale, soit au total plus de 70 000 hommes, a déclaré le sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires politiques, Marc Grossman. Ce qui veut tout simplement dire que la sécurité en Irak pose problème. Ou encore qu'elle est inexistante même pour ceux qui vivent dans des bunkers. Quant à parler d'élections, il serait hasardeux et même dangereux d'y voir la panacée.