Je n'oublierai jamais ce terrible drame. J'ai tout perdu et je n'aurai malheureusement rien à offrir à mes enfants Zaytoun, Abdelmadjid, Adnane et Mustapha qui m'attendent depuis 15 longs mois.» Hassane Boubakeur Haoua a miraculeusement survécu à l'incendie ravageur survenu le 24 novembre dernier dans un camp de migrants à Ouargla. Il est revenu de l'enfer pour rentrer chez lui bredouille. Ses espoirs se sont tous envolés dans le brasier où ont péri 18 de ses compatriotes. «J'ai perdu toutes mes économies ainsi que les vêtements que j'avais achetés pour ma femme et mes quatre enfants. Les flammes ont tout dévoré», relate-t-il d'une voix hésitante et empreinte d'amertume. Dix jours après cette catastrophe, les stigmates du choc sont toujours visibles sur le visage de ce Nigérien de 38 ans qui refuse de retrouver les siens les mains vides ou encore retourner dans sa ville natale, Tahoua, avec les mêmes tourments qui l'avaient motivé à quitter le pays un certain septembre 2014. «J'ai tout dépensé pour venir en Algérie avec pour but de bosser, rembourser mes dettes et ramasser l'argent nécessaire à l'ouverture d'un petit commerce au Niger. Le projet qui m'a coûté les yeux de la tête s'est avéré chimérique», ajoute Hassane avec une note de tristesse. Les mêmes inquiétudes rongent Soulaymane qui a dû abandonner sa femme et ses deux enfants pour les retrouver finalement sans cette baguette magique qu'il leur avait promise pour changer le cours de leur vie. Rencontré devant son chalet d'hébergement à l'intérieur du centre d'accueil de Tamanrasset (CAT), notre interlocuteur dit être devenu «une loque» après l'incident de Ouargla et l'explosion traumatisante des bonbonnes de gaz qui résonne encore dans sa tête. «Je reviendrai» Il pense d'ores et déjà à monter un plan pour revenir en Algérie. «Je sais pertinemment qu'une fois arrivé au Niger, on va mourir de faim. Il n'y a plus rien là-bas. Je me demande pourquoi on insiste pour que tous les ressortissants nigériens soient rapatriés, alors qu'une prise en charge alternative nous aurait évité tous ces déboires. Cette décision nous replonge à nouveau dans le chaos et la misère», peste-t-il. Avis partagé avec Lahssane Moussa (21 ans) qui accepte de retourner chez lui après 2 ans d'exil uniquement pour profiter de la gratuité du voyage. «On nous donnera quoi une fois au Niger ? Rien», tonne-t-il. C'est l'une des préoccupations à laquelle nous voulions avoir une réponse des services consulaires du Niger à Tamanrasset. Une réponse en mesure de rassurer ces milliers de migrants qui songent à un avenir meilleur sans s'aventurer avec le diable du désert ou parcourir encore des kilomètres vers un destin inconnu. Cependant, notre tentative s'est avérée vaine, car les représentants du consulat chargés des formalités de rapatriement au niveau du CAT refusent de communiquer. «Vous nous excuserez, les responsables ne sont pas là», nous dit le chargé de la cellule qui refuse toute déclaration à la presse. Cet agissement a suscité la réaction de Moulay Cheikh, président de wilaya du Croissant-Rouge algérien (CRA), qui nous a invité à faire le tour des chalets, non pas pour montrer les moyens déployés, mais plutôt pour constater l'ampleur des dégâts occasionnés par les migrants et, du coup, comprendre le black-out des services consulaires nigériens qui usent de l'alibi humanitaire pour justifier le saccage et les pertes matérielles essuyées par le CAT. De toute façon, les missionnaires de Ouargla qui se sont tapés, récemment, 1500 km de route pour passer la nuit dans leurs ambulances en raison de la dégradation des chambres d'accueil sont conscients de la gravité de la donne. «Il nous faut plus d'effectif pour mieux gérer ce centre qui fonctionne depuis sa mise en service avec des bénévoles du CRA et des employés du service de la voirie de l'APC. Le CAT doit être renforcé par un personnel permanent pour parer à certains dépassements qui nuisent au déroulement des opérations de rapatriement, notamment sur le plan organisationnel», nous confie M. Moulay. Notons que la cellule administrative du centre, dont la capacité d'accueil s'élève à 1140 places à raison de 12 lits dans 96 chalets, est composée de 6 cadres travaillant en étroite collaboration avec les services du consulat nigérien à Tamanrasset et les services de sécurité de la wilaya. «L'infrastructure est dotée de toutes les commodités nécessaires, dont une cuisine et un réfectoire bien équipés», assure le responsable du CAT, Bendali Arezki, en insistant sur l'aspect humanitaire de la mission dévolue à cette structure. Plus de 6000 nigériens rapatriés M. Bendali a fait savoir que depuis le lancement de cette opération qui en est à son 22e contingent, 6066 Nigériens ont été rapatriés, dont 3246 hommes, 914 femmes et 1906 enfants. Du 9 décembre 2014 au 27 novembre 2015, 5840 migrants ont été transférés vers leur pays. Durant cette période, 116 personnes issues de nationalité autres que nigérienne, ont été accueillies puis libérées sur notification de la brigade de recherches de migrants clandestins à Tamanrasset ainsi que sur celle des services consulaires qui refusent de les prendre en charge pour des raisons évidentes. La 23e vague de migrants, composée de 294 personnes, a été rapatriée jeudi dernier, indique-t-on au CAT en faisant remarquer que des kits alimentaires contenant, entre autres, 25 kg de semoule, 5 litres d'huile de table, 5 kg de concentré de tomate et des pâtes alimentaires, ont été distribués pour chaque famille ayant également bénéficié d'un lot de vêtements (survêtement, souliers, robes et sacs de toilette). Toutefois, ces avantages ne font que persuader Hassane Boubakeur Haoua de revenir en renouvelant le sang de cet aventurier qui a déjà perdu la bataille, mais croit toujours à gagner la guerre contre la précarité et la misère.