Toute cour a, bien sûr, ses propres courtisans, mais aussi ses danseuses du ventre et ses pleureuses. Les unes et les autres guettant le moindre claquement de doigts du prince pour entrer en action. Le microcosme algérois n'échappe pas à la règle, comme on vient de le constater depuis la disparition de Hocine Aït Ahmed. Les velléités de récupération se multiplient depuis que la présidence de la République a décrété un deuil national, donnant ainsi le coup d'envoi de l'entrée en scène des thuriféraires du régime et autres zélateurs du système en place, se confondant en hommages et autres «témoignages» de gratitude envers le leader historique, à l'image du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, qui, «toute honte bue», a appelé à reconnaître officiellement le rôle incommensurable du militant de la cause nationale et des droits de l'homme, aujourd'hui disparu. Devant une telle précipitation des porteurs d'encensoir du régime autour de la dépouille de celui qui fut poussé à l'exil après avoir été frappé d'ostracisme de la part de ce même système — que Hocine Aït Ahmed n'a eu de cesse, d'ailleurs, de dénoncer et de combattre, appelant de tous ses vœux l'avènement d'un Etat civil et la dissolution de la police politique — la direction du Front des forces socialistes (FFS) n'a eu d'autre choix que d'appeler à la retenue les «porteurs de racontars». Tout en précisant que son fondateur, Si L'Hocine, «n'a, à aucun moment récent ou passé, apporté sa caution ou son soutien à quelque clan du pouvoir». Une précision qui rappelle que le chef du FFS s'est très tôt insurgé contre l'autoritarisme et l'Etat militaro-policier qui a vu le jour au lendemain de l'indépendance. Il n'était pas le seul d'ailleurs, son compagnon, Mohamed Boudiaf, avait fait ce choix tout aussi tôt. D'ailleurs, comment oublier ce cri de révolte de Dda L'Hocine ce jour de l'été 1963, interpellant les responsables du FLN de l'époque après l'arrestation de Si Tayeb El Watani par la police politique de Ben Bella pour avoir créé le Parti de la Révolution et du socialisme ? Il connaîtra lui-même, quelques jours tard, le même sort que son aîné. Force est donc de reconnaître que depuis les premières années de l'indépendance, l'autoritarisme n'a fait que se renforcer et que sur le plan des droits de l'homme, il n'y a qu'une faible avancée. Le même système politique est toujours en place alors qu'il est question pour la énième fois d'une révision de la Constitution, telle que voulue par Abdelaziz Bouteflika et que les plus ardents laudateurs du régime se fendent de déclarations appelant à la mise en place d'un Etat «civil» sans que l'on sache de quoi sera faite cette nouvelle mouture de la Loi fondamentale, maintes fois triturée selon le bon vouloir du prince et au mépris de la souveraineté populaire, faisant ainsi peu cas de la démocratie et du principe de l'alternance au pouvoir. Ira-t-on jusqu'à voir enfin la disparition dans les textes fondateurs de la police et de cette primauté du militaire dans le champ politique civil ? Souhaits et exigences des leaders historiques de la Révolution algérienne que furent Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi, Mohamed Boudiaf et Aït Ahmed, sont aujourd'hui plus que d'actualité. Une nécessité vitale.