Durant ces quelques années intenses en débats et en actions politiques, il était l'un des moteurs de l'opposition. Ahmed Taleb Ibrahimi le révélait, il y a plus de dix ans à L'Expression, que «Hocine Aït Ahmed était le seul cadre du FLN historique à prôner ouvertement un système démocratique à l'indépendance du pays». De fait, tout le combat de l'homme était tourné vers la lutte pour l'émergence de la démocratie dans son pays. Les deux accords qu'il a signés avec Ben Bella en qualité de chef de l'Etat, le 16 juin 1965 portant sur la reconnaissance du FFS, et le 16 décembre 1985 en qualité de président du MDA contre le régime du parti unique et pour la démocratisation du système politique algérien, poursuivent un seul but, celui de créer pacifiquement le déclic qui ferait entrer l'Algérie dans une ère nouvelle. La démocratie était le principal objectif de Hocine Aït Ahmed. Aussi, au lendemain des événements d'Octobre 1988 et à la faveur de la nouvelle Constitution pluraliste, le leader du FFS rompt son exil et prend une part active à la construction de l'Etat démocratique en compagnie des militants de son parti, mais également avec d'autres personnalités historiques qu'elles fussent au pouvoir ou dans l'opposition. A la tête du FFS, il a pris part à tous les combats politiques de l'Algérie de l'époque. Son aversion du système du parti unique lui a valu beaucoup de critiques de la part du pouvoir de l'époque, mais conscient de la nécessité de la lutte pacifique qu'il a toujours prônée, Aït Ahmed encaissait les coups et les rendait dans les règles de ce que permettaient l'action politique et les intérêts supérieurs de la nation. Le FFS a joué un rôle central dans la promotion du débat politique entre 1989 et 1991. Le parti a pris part aux élections locales de 1990 et vu monter le «fascisme vert». Aït Ahmed n'a eu de cesse de défendre la thèse des luttes politiques sur le terrain. Durant ces quelques années intenses en débat et en actions politiques, le FFS a été l'un des moteurs de l'opposition. Les gigantesques marches qu'il a organisées témoignent, jusqu'à aujourd'hui, d'un ancrage populaire très solide et d'une vision politique qui prônait l'action pacifique quoi qu'il advienne. La présence du plus vieux parti d'opposition dans les institutions élues de la République, donnait à celles-ci une coloration particulière, à travers des «élus-militants» aux accents particuliers, parce que totalement imprégnés d'une formation politique solide et d'une proximité avérée avec le peuple. Bref, Aït Ahmed a mis sur le terrain des militants à son image qui croient fortement à son message et s'emploient à le mettre en oeuvre dans leurs actions au quotidien. La vision du leader historique du FFS n'était pas dogmatique, en tout cas, durant cette période où il était question de construire la démocratie en Algérie. Le soutien ouvert qu'il a apporté au gouvernement de Mouloud Hamrouche traduit une approche pragmatique et une volonté de privilégier le dialogue. Mais Aït Ahmed n'était pas seul sur une scène politique qui commençait à donner des signes de radicalisation de plusieurs courants politiques. La chute du gouvernement Hamrouche après la tentative de coup de force de l'ex-FIS et l'état de siège qui avaient suivi, étaient dans la vision du FFS, les premières pierres jetées à la face de la pluralité. Les quelque 18 mois intenses qui séparaient les locales de juin 1990 des législatives de décembre 1991 étaient déterminants dans l'action politique. Chacun tirait de son côté et Aït Ahmed mettait en garde contre tout arrêt du processus démocratique enclenché deux années plus tôt. Arrive le premier tour des élections législatives du 26 décembre 1991. Raz-de-marée de l'ex-FIS. L'Algérie était traumatisée et la médication proposée par Aït Ahmed fut une marche mémorable. Le 2 janvier 1992, plus de deux millions de citoyens ont battu le pavé de la capitale. «Ni Etat policier, ni Etat intégriste», criait la foule, résumant tout le combat de ce chef historique de la révolution. Mais les autorités de l'époque n'avaient pas écouté les appels de cette foule. Deux semaines après la marche historique du FFS, le 16 janvier 1992, le processus électoral est suspendu, un Haut Comité d'Etat est installé. Mohamed Boudiaf, un autre chef historique, revient au pays, et Hocine Aït Ahmed choisit de reprendre le chemin de l'exil volontaire pour exprimer son refus de ce qu'il a qualifié de «coup d'Etat militaire».