Pour l'Algérie, dont l'économie se nourrit presque exclusivement de la rente pétrolière, cela signifie à la fois une fragilisation plus inquiétante des fondamentaux macroéconomiques, mais aussi une plus forte dégradation des équilibres budgétaires, déjà vacillants en 2015. Des prix pétroliers toujours au plus bas, des réserves en devises en perpétuelle érosion, un dinar en chute libre et des prix à la consommation appelés à se renchérir fortement. Telles sont les sombres perspectives socioéconomiques de l'Algérie pour la nouvelle année qui commence. 2016, l'an «un» de l'austérité et de la rupture avec l'ère de l'aisance financière et du pétrole cher des années 2000, sera vraisemblablement peu heureuse, tant pour les entreprises que pour les ménages. De prime abord, les prévisions énoncées à la fin de l'année écoulée convergent, presque toutes, vers le maintien, en 2016, des prix mondiaux du brut dans leur fourchette actuelle de 35 à 40 dollars le baril, soit au plus bas depuis plus de dix ans. Pour l'Algérie, dont l'économie se nourrie presque exclusivement de la rente pétrolière, cela signifie à la fois une fragilisation plus inquiétante des fondamentaux macroéconomiques, mais aussi une plus forte dégradation des équilibres budgétaires, déjà trop vacillants en 2015. Ainsi, au registre des finances publiques, la loi de finances 2016 (LF 2016), désormais en vigueur, annonce clairement la couleur. Bien qu'élaborée sur la base de prévisions qui s'avèrent au final plutôt optimistes par rapport à la nouvelle réalité du marché pétrolier, la LF 2016 prévoit d'emblée des niveaux de déficits abyssaux. Basé sur un prix de référence du pétrole de 37 dollars le baril et un prix réel du marché à 45 dollars, le budget de l'Etat, même avec des dépenses globales réduites de 9%, cumulera un déficit projeté pour 2016 de l'ordre 17,3% par rapport au PIB. Encore faut-il que la prévision d'un prix du baril à 45 dollars se concrétise, tout comme celle d'un taux de change à 98 DA pour un dollar, alors que ce dernier caracole déjà à plus de 107 DA. Quoi qu'il en soit, le déséquilibre des finances publiques risque d'être d'autant plus aggravé que le Fonds de régulation des recettes (FRR), qui permettait jusque-là de couvrir les déficits officiels du budget, pourrait ne plus être alimenté faute de fiscalité pétrolière suffisante. Ses réserves, en tout cas, ne seront plus que de 1797 milliards de dinars à la fin de l'exercice en cours, si l'on s'en tient aux projections de la loi de finances. De même, les réserves officielles de change, déjà en chute à 151 milliards de dollars à fin 2015, devraient continuer à baisser pour n'être plus que de 121 milliards de dollars à fin 2016, soit l'équivalent d'à peine deux années d'importations. Les pertes sèches à prévoir sur ce matelas de devises qui, faut-il le rappeler, sous-tend à la fois la solvabilité extérieure du pays et le pouvoir d'achat de sa monnaie, précipiteront probablement le scénario d'un retour à l'endettement et, bien entendu, à l'érosion de la valeur du dinar. Combinée au retour des fortes tendances inflationnistes, la dépréciation continue du dinar plombera et le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité déjà faible des entreprises de production. Projetée à 4% pour 2016, l'inflation caracolait déjà à 4,9% à novembre dernier, tandis que l'effet hausse de TVA sur le prix des carburants risque sans doute de se faire rapidement ressentir, en entraînant d'autres hausses en cascade, notamment sur les coûts des transports et de la distribution. Un contexte pour le moins peu propice à la relance de la production nationale, les entreprises locales subissant déjà de plein fouet les conséquences de la dégringolade du dinar et se retrouvant contraintes à relever leurs prix de vente. Aux écueils de la crise pétrolière, de l'austérité et de l'inflation qui menacent en ce début d'année s'ajoutent, sans doute, des risques réels de tensions sociales et politiques. Des tensions qui pourraient vite naître, en effet, de la mise en application de certaines dispositions contestées de la loi de finances, surtout celles relatives aux privatisations et aux possibles gels de projets publics en cas d'aggravation de la crise.