Après avoir constaté la hausse des prix des carburants, les Algériens, qui n'ont pas encore eu le temps de respirer, découvrent, en ce début d'année, le contenu du projet de la nouvelle Constitution. Le document a été livré en vrac, hier, par Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet à la présidence de la République. Ouyahia qui a déjà défendu, en Premier ministre, un projet similaire à l'époque du général Liamine Zeroual en 1996, a présenté le projet et trouvé tous les mots qu'il fallait pour le vendre à l'opinion publique, en minimisant les critiques de l'opposition sur l'opportunité politique de réviser la Constitution en pareille conjoncture et sur l'opacité de la procédure de préparation du texte. Pour Ouyahia, les institutions de l'Etat fonctionnent. Pas d'inquiétude donc. Mais l'homme, qui a déjà accompagné trois Présidents, a évité d'évoquer ouvertement «le caractère consensuel» de la Constitution tel que défendu par les partis du cercle présidentiel. Un projet politique ne peut pas être consensuel s'il n'a pas les faveurs de l'opposition qui représente une partie de la société. Sauf qu'il s'agit de la Constitution. Et la Constitution, en «Loi fondamentale» de la République, doit représenter tous les Algériens sans exception, doit avoir toute la force nécessaire, au-dessus de tout. La Constitution existera après le départ de Bouteflika. Là va se poser la question de la manière de faire valider le projet par un Parlement qui souffre d'un manque de crédibilité et de représentativité populaire et politique. Le Parlement n'a, en théorie, aucune légitimité pour se prononcer au nom des Algériens, car ayant déjà une aile cassée. Reste le recours au référendum populaire. Cela paraît plus que nécessaire. D'abord parce que le projet proposé par le président Bouteflika touche aux fondements du fonctionnement de l'Etat et modifie quelque peu les équilibres des pouvoirs. Ensuite, parce que le projet est contesté par une partie de la classe politique. La consultation populaire lui donnerait de la force en cas de «oui» majoritaire. Mais, là, il faut prendre en compte la contrainte des finances difficiles de l'Etat actuellement. L'organisation d'une opération électorale d'ampleur nationale coûte de l'argent. Le choix n'est évidemment pas facile, même si le projet paraît stratégique pour l'actuel chef de l'Etat. Avant de quitter le pouvoir, probablement en 2019, Bouteflika entend lier son nom à une Constitution portant des changements assez importants, comme l'officialisation de tamazight, le retour à la limitation des mandats présidentiels — qui paraît comme une concession — et la consécration de certaines libertés.