Humiliation. Voilà ce dont ont été l'objet les correspondants et journalistes de la wilaya de Guelma, du moins c'est ce qu'ont ressenti certains d'entre eux, lors du premier contact avec le nouveau wali mardi dernier. Qu'on le dise tout de suite : il les a invités pour les humilier. Pour répondre comme il l'a fait à la question d'un correspondant, qui lui a demandé s'il est possible d'organiser périodiquement des rencontres avec lui pour faire le point sur les problèmes de la région, il devait les regarder de haut puisqu'il a répondu : « Oui, mais à condition que vous soyez fi el moustawa, (c'est-à-dire qu'ils aient un niveau que lui juge appréciable) ». Autrement dit, le rencontrer est un privilège qui est soumis à certaines conditions, lesquelles, une fois remplies, doivent l'arranger. Puis de tenir, au fil des réponses aux questions des journalistes, un discours dithyrambique sur sa personne en assenant avec insistance : « Je ne suis ni corrupteur ni corrompu. » Si bien qu'on est en droit de se demander, d'autant plus que la question était loin d'effleurer l'esprit des journalistes, qui sont forts de la devise disant que tout le monde est innocent jusqu'à preuve du contraire, s'il n'a pas quelque chose à se reprocher ou si c'est là un message secret qu'il essaie de communiquer et qu'il faut au préalable pouvoir déchiffrer. Et puis il se met à fustiger nos confrères de M'Sila où il était en poste avant sa mutation à Guelma, dont il accuse certains de monnayer leurs écrits ou leur plume, et il insiste là-dessus sur un ton convaincu. Des accusations très graves, alors que lui, qui n'a dans la bouche que le mot loi, aurait pu porter, - on se demande d'ailleurs s'il l'a fait ou pas - ce genre de choses devant la justice ou aurait pu les dénoncer à temps pour faire œuvre utile, même si cela ne fait pas partie de ses « attributions ». Qu'il ait fait une mauvaise expérience avec les gens de la presse ou certains d'entre eux à M'sila, aux premiers mots, on l'a deviné. Mais de là à avoir des préjugés sur la presse... Il s'adresse aux localiers comme s'ils étaient ses subalternes, encore faut-il le faire à l'égard de ces derniers avec ce ton de haute suffisance. Pas un iota de courtoisie. Il pousse l'outrecuidance jusqu'à minimiser l'importance des grands projets que les Guelmis attendent depuis l'indépendance, en noyant le poisson. « L'aéroport, vous avez celui de Annaba à côté, Guelma n'est pas loin de Annaba ; plusieurs aéroports sont peu ou prou fonctionnels, celui de Tébessa, de Batna, de Sétif... Le CHU, vous avez Annaba à côté... » Datant du temps de la colonisation, l'aéroport ou ce qui en reste est à sauver avant que les prédateurs du foncier ne le morcellent ou que ne vienne à la ferme-pilote, qui exploite l'aérogare en tant qu'étables pour des vaches laitières, l'idée de labourer la piste d'atterrissage, ne serait-ce que pour en faire, non pas obligatoirement un national ou international, mais juste une structure pour un aéroclub, pourquoi pas ? Chiche ! Et puis, on peut lui répondre ainsi : Blida n'est pas loin d'Alger, Tlemcen d'Oran, Jijel, Béjaïa, etc. Le CHU, c'est pour justement désengorger celui de Annaba, qui est submergé par les malades venant de plusieurs wilayas à la ronde, et les statistiques démontrent que beaucoup de malades évacués d'urgence de Guelma vers Annaba, meurent en cours de route, faute de soins rapides. La ligne ferroviaire Khroub-Bouchegouf est d'une importance capitale pour le développement de la région. Il s'agit d'une réhabilitation de la voie ferrée, non d'un projet nouveau. Ceux qui, à l'époque coloniale, faisaient passer le Transmaghrébin par Guelma, ne savaient pas sans doute ce qu'ils faisaient, et ceux qui utilisaient le chemin de fer pour commercialiser le blé et autres produits maraîchers de Guelma ne savaient pas non plus ce qu'ils faisaient ! Facile de ressasser la rengaine disant que Guelma est une région à vocation agricole, ayant de bonnes terres fertiles, encore faut-il lui donner les moyens de transporter ses récoltes pour les écouler, pour en faire profiter tous les Algériens. Par exemple, des centaines de tonnes de pomme de terre d'arrière-saison pourrissent chaque année dans des hangars alors que s'il y avait le chemin de fer ou si la ligne avait été réhabilitée, il n'y aurait eu pas ce problème. Cela sans parler évidemment des multiples retombées sociales et économiques. Quoi qu'il en soit, ç'aurait été le premier contact pour faire connaissance, et on se serait arrêté là, d'autant qu'il n'a pas eu le temps de compulser les dossiers brûlants. Tout au long de cette rencontre, les journalistes auraient pu lui faire la réponse du berger à la bergère ; en un mot, on est bien curieux de voir si le wali, de son côté, sera « fi el moustawa » pour qu'on réponde à ses éventuelles invitations. Cependant, on va imputer son mot à un écart de langage, voire un lapsus, et lui concéder le bénéfice du doute. Et on ne fera pas l'injure de dire qu'il a plus besoin de thuriféraires de tous bords que de journalistes pour mener à bien la tâche ardue du développement local.