Tikjda, la célèbre station climatique, orpheline de neige. Dans sa hotte de cadeaux de fin d'année, l'hiver n'a ramené ni neige, ni froid, ni même quelques belles pluies pour tourner les pages jaunies de l'automne. Seulement des groupes de vacanciers soucieux de profiter du grand air et des paysages bucoliques. C'est le cinquième jour des vacances scolaires d'hiver en cette fin d'année 2015. Sagement assises sur des bancs en bois, quelques mamans papotent tranquillement en surveillant du coin de l'œil leurs enfants qui s'adonnent au roller ou au skate-board quand ils ne pédalent pas joyeusement à travers les allées du parking du Centre national des sports et loisirs de Tikjda (CNSLT). Sous ce sigle qui aurait fait le bonheur d'un quelconque comité national se cache, en fait, le CNSLT. Autrement dit Tikjda et ses cèdres millénaires. Du stade annexe tout proche parviennent les cris et rires d'autres enfants et adolescents qui se livrent à une joyeuse partie de foot. Un peu plus loin, sur de nombreuses pistes qui serpentent dans la cédraie, on croise des sportifs qui reviennent d'une séance de jogging dans la forêt ou des amateurs de VTT juchés sur leurs engins de prédilection. Le soleil radieux de cette journée hivernale et l'air frais des hauteurs y sont, sans doute, pour beaucoup, dans cette ambiance aussi joviale que sportive qu'affiche Tikjda. La clientèle semble exclusivement algéroise si l'on se fie à cet accent lourd et traînant que l'on entend partout. Il est vrai que grâce à l'autoroute Est-Ouest, Tikjda est devenue beaucoup plus accessible. Deux heures à peine après avoir quitté les embouteillages mortifères d'Alger, on peut siroter un café en contemplant les crêtes dentelées de l'Akouker ou la belle pyramide de Tamgout n'Lalla Khedidja. Ainsi, en cette fin de décembre marquée par un beau temps persistant et bien que la neige manque cruellement au rendez-vous, le Centre affiche un taux de remplissage proche des 100%. La tendance familiale monte en flèche La célèbre station climatique du pays tourne à plein régime et semble avoir pleinement trouvé sa vocation : le tourisme sportif avec pour cibles essentielles les équipes et les familles. A 1500 m d'altitude, sports de montagne et loisirs familiaux font bon ménage. Si le tourisme sportif semble le premier credo du CNSLT, l'accueil des familles pour des séjours de détente et de régénération prend de plus en plus d'importance. «Il est vrai que notre clientèle est sportive mais la tendance familiale monte en flèche», affirme Mohand Ameziane Belkacemi, chargé de communication et sous-directeur du CNSLT. «De plus en plus en plus de familles viennent se détendre et se ressourcer chez nous», ajoute-t-il. Le Centre compte quatre sites d'hébergement, ce qui étoffe considérablement son offre et ses capacités d'accueil : l'unité de Tikjda, l'hôtel Djurdjura, l'auberge et le chalet du Kef. Si les deux hôtels disposent de chambres doubles et même de suites ainsi que de toutes les commodités afférentes qui conviennent aux familles, l'auberge et le chalet offrent un hébergement collectif idéal pour les équipes. Le CNSLT a mis le paquet sur les infrastructures sportives avec terrain de foot pour entraînement tactique ou encore cette salle de musculation avec des équipements ultramodernes et des moyens de récupération tels que sauna, jacuzzi, bassin froid et fauteuil relaxant. L'idéal pour des équipes en stage de préparation. D'ailleurs, l'équipe nationale d'athlétisme de Libye vient tout juste de quitter les lieux après un séjour d'intenses entraînements. «On mise sur le tourisme sportif» «On mise beaucoup sur le tourisme sportif qui représente aujourd'hui près de 70% de notre clientèle», soutient notre interlocuteur. Un projet de salle multidisciplinaire vient d'ailleurs d'être lancé il y a tout juste 15 jours. Le Centre accueille aussi bien les sportifs de haut niveau et de renommée internationale que les sportifs amateurs, en passant par de nombreuses équipes toutes disciplines confondues. Les anciens champions du monde ou olympiques tels que Noureddine Morceli, Hassiba Boulmerka ou Makhloufi ont usé leurs crampons ici. Le CNSLT compte très bientôt étoffer son offre. De nouvelles cuisines sortent de terre, un centre médico-sportif et même un nouvel hôtel d'une capacité de 162 lits sont déjà en construction, alors que d'anciens bâtiments font l'objet de rénovation. «Avec l'ouverture du nouvel hôtel moderne et les rénovations, nous porterons bientôt nos capacités d'accueil qui sont actuellement de 460 lits à plus de 800», s'enthousiasme Mohand Ameziane Belkacemi. En attendant, si vous programmez un week-end d'évasion en couple à Tikjda, prévoyez 9100 DA la nuitée en pension complète ou bien 6100 DA en demi-pension. Pour agrémenter votre séjour et faire le plein d'oxygène, vous pourrez opter pour une randonnée en montagne avec guide, une séance de VTT ou bien encore une initiation au ski avec moniteur et location d'une paire de skis qui vous coûtera la modique somme de 1500 DA. Certaines des activités accompagnatrices sont gratuites et d'autres payantes. Le CNSLT fait également beaucoup d'efforts pour assurer l'animation indoor afin de meubler au mieux les soirées des locataires. Un milieu fragile Si le cœur vous en dit, vous pourrez même louer la suite royale de l'hôtel pour 18 000 DA. La vue sur le sommet de Lalla Khedidja est imprenable. En plus de la chambre double et du petit salon, vous aurez tout le loisir de profiter du sauna individuel et de la douche électronique. Grand amateur de montagne et amoureux de Tikjda depuis toujours, Malek Boudjemaâ est un habitué des lieux que tout le personnel du Centre salue chaleureusement. S'il ne boude pas le plaisir d'une nuit familiale à l'hôtel, ce cinquantenaire alerte et dynamique est cependant adepte de camping sauvage. Nuit sous la tente, barbecue convivial avec enfants et amis et spectacle de la voûte céleste agrémenté de cris d'animaux aussi pittoresques que divers. Dépaysement garanti. Cependant, ce milieu fragile où la faune et la flore subissent de plein fouet les conséquences d'une pression démographique qui engendre stress, pollution et destruction, Tikjda risque d'être victime de son succès. Quand on connaît le peu d'importance accordée à la protection de la nature et de l'environnement aussi bien par les pouvoirs publics que le citoyen, on peut légitimement se poser la question de savoir si Tikjda a les capacités de ce tourisme de masse pour lequel on le destine désormais. Les incendies ont déjà détruit quelques-unes de ses plus belles forêts. Le soir, en quittant le Centre où familles et sportifs ont pris leurs quartiers d'hiver, on découvre, un peu plus bas, un autre Tikjda. Celui des cabanes et des feux de joie disséminés le long de la route à l'orée des forêts. Le Tikjda des amateurs de bière et de grillades. Des dizaines de voitures sont garées de part et d'autre de la route. On consomme et on jette par-dessus bord créant des décharges sauvages où les cadavres de bouteilles s'amoncellent par milliers dans la nature. Pour cette très nuisible pollution, qui rejette dans la nature des sachets en plastique, des canettes et des bouteilles par millions, personne n'a vraiment pensé à demander leurs avis aux nombreux habitants de Tikjda : les représentants de la faune dans toute sa grande diversité.