Dans le taxi qui nous mène vers Tikjda, c'est le silence. L'air conditionné ne fonctionne pas. Il y règne une chaleur infernale. Il est pourtant à peine 10h. La journée s'annonce belle et claire. C'est la période idéale pour tous les amoureux du tourisme de montagne de se rendre à Tikjda. La circulation, une fois n'est pas coutume, est fluide en cette journée de jeudi. La route est en très bon état. Les travaux de réalisation d'une double voie sont entamés. Des paysages défilent tranquillement. Des voitures immatriculées dans différentes wilayas empruntent la longue côte montagneuse. Arrivés sur les lieux, après plus d'une demi-heure de route de la ville de Bouira. Tikjda. Une perle au cœur du Djurdjura. L'air y est pur et frais. Les rayons du soleil accentuent la splendeur du site. A Tikjda, la nature a bien fait les choses. Un petit paradis pour les amoureux de la montagne et du sport. Et pour joindre l'utile à l'agréable, le site est doté du Centre national des sports et des loisirs de Tikjda (CNSLT). Ce dernier dépend du ministère des Sports. Il est chargé de deux missions principales : sportive et touristique. La première consiste en l'accueil des sportifs, toutes catégories et toutes disciplines confondues et... tous les férus des sports de montagne. Pour ce qui est de la mission touristique, il s'agit d'accueillir des familles, des touristes en quête de repos et de distraction. « Ce sont deux missions homogènes exécutées en même temps. Le centre contribue de manière concrète au développement aussi bien des activités sportives que celles de loisirs. Comme il fait également dans le tourisme de montagne. Le site est situé à 1.500 mètres d'altitude, au milieu de la cédraie de Tikjda. Il offre toutes les commodités d'un séjour agréable, et pour les sportifs, et pour les vacanciers », signale Mohand Ameziane Belkacemi, chef de service communication du CNSLT. D'une capacité d'accueil de 420 chambres, le centre est équipé d'un bloc spécial athlètes, une salle de musculation, un terrain combiné et un sauna. Et ce n'est pas tout. Il y existe d'autres infrastructures à l'image de l'hôtel Djurdjura et son auberge de jeunesse, d'un stade érigé dans le prestigieux lieu-dit « Asswell » doté d'une piste d'athlétisme. Le centre offre à ses clients des activités riches et variées. Pour les enfants, ce sont des projections vidéo, des documentaires et des dessins animés. Il y a aussi de petites animations sportives avec des kits sportifs pour les initier à certaines disciplines. « Cela rentre dans le cadre des loisirs et de la détente », précise Belkacemi. Les petits auront droit, également, à des soirées animées. Au programme : clowns, magiciens et sketchs. Pour les adultes, des soirées musicales, folkloriques et bien d'autres animations artistiques organisées toutes dans une ambiance familiale. Vendredi dernier, le centre a invité le chanteur Samir Boussoum qui a gratifié les vacanciers d'une soirée inoubliable, très bien animée. Le prix à payer... Bref, les estivants n'ont pas le temps de s'ennuyer à Tikjda. Mohand Améziane Belkacemi affirme que l'accès à toutes les installations de l'établissement est gratuit pour les clients. Et pour le bonus, l'ensemble de ces activités est gratis. Deux prestations sont uniquement payantes : le ski et la pratique de la randonnée. La randonnée, qui est proposée à partir de 200DA peut aller jusqu'à 500DA. « Ce sont des prix symboliques pour couvrir uniquement le circuit. Il y a dix parcours de randonnée d'une durée de 3 à 6 heures », précise le même responsable. Concernant l'hébergement et la restauration, les tarifs sont proposés à partir de 1.200 DA au niveau de l'auberge, 2.200 DA au niveau du chalet et pas moins de 3.500 DA à l'hôtel Djurdjura. Les trois formules sont étudiées et concernent uniquement les sportifs. Pour les particuliers, c'est une autre ardoise, une autre fourchette qui s'étale de 1.500 DA à 18.000 DA. Plusieurs formules comme la demi-pension, la pension complète y sont proposées. Le minimum, c'est la chambre « single ». Le top, c'est à partir de 18.000 DA pour une suite royale avec douche électronique et « sauna » à l'intérieur. Précision : ces prix concernent uniquement l'hébergement. Avec la restauration le tarif peut monter à 22.000 DA. Un autre exemple : au niveau de l'auberge, les particuliers se doivent de débourser entre 2.700 et 7.200 DA pour pouvoir bénéficier d'une prestation demi-pension (petit-déjeuner et dîner). Pour une pension complète, la fourchette oscille entre 3.800 et 8.400 DA. Pas beaucoup à dire sur le type de restauration proposé aux clients, sinon des goûts alliant la gastronomie et la tradition culinaire locale. Et pour ceux qui veulent s'asseoir dans un coin tranquille pour étancher leur soif où alléger leur faim, la « maison » a mis à leur disposition des salons, cafétéria et autres terrasses. En tout, le CNSLT est composé de quatre structure : l'unité de Tikjda, l'hôtel Djurdjura, l'auberge et le chalet de Kef. Côté personnel, 120 travailleurs sont mobilisés pour veiller à la bonne marche du site. Mais le mal est ailleurs ! A 1.478 mètres d'altitude, Tikjda surplombe les plaines de Bouira. Vue d'en haut, la campagne est éblouissante. Tikjda est le site touristique par excellence pour tous les amoureux de la nature à la recherche du calme. Après avoir vécu des années difficiles avec des incendies dévastateurs, l'endroit commence à renaître de ses cendres. Mais la brûlure n'est pas totalement cicatrisée. Des surfaces importantes (plusieurs hectares) de forêt n'ont pas pu se régénérer à aujourd'hui. Brûlure « En 2000, un incendie dévastateur a ravagé la région. Les pertes ont été énormes. Des milliers d'hectares de forêt sont partis en fumée. Et depuis, le site peine à refaire son maquillage », lance un garde champêtre. Et un autre d'ajouter : « Le terrorisme des années 1990 n'a pas épargné Tikjda, mais c'est l'incendie de 2000 qui a ravagé la forêt. A cela s'ajoutent les feux qui se déclarent chaque année, notamment celui 2012 qui a causé d'importants dégâts ». Pour cette année, « la forêt n'a pas connu ce genre de sinistre, excepté deux où trois foyers qui se sont déclarés en-dehors du site », indique cet agent. Le constat est confirmé par les services de la Protection civile. « Cette année nous n'avons pas intervenu beaucoup. L'endroit n'a pas connu de feux de forêt exceptés quelques foyers vite maîtrisés et sans grands dégâts », affirme un jeune sapeur-pompier. Mobilisés tout au long de l'année, les gardes champêtres sont également chargés de protéger les animaux de l'avidité des humains, de lutter contre le braconnage et de sensibiliser les estivants sur l'interdiction de nourrir les animaux, notamment les singes. Des panneaux en métal ont été implantés au niveau de tous les coins et recoins de la forêt. Sauf que la bataille est loin d'être gagnée. « Les gens ne veulent pas nous écouter. Ils ne respectent pas nos consignes. Ils ne font qu'à leur tête », déplore un agent. « Hier (Ndlr mercredi), un émigré y est venu avec sa famille. Il a garé sa voiture juste devant un panneau d'affichage. Il est resté un bon moment à le lire. Et quand il a fini, il est revenu à sa voiture pour prendre un morceau de pain avant de le lancer à l'animal », raconte-t-il. Un autre agent intervient en pestant : « émigrés ou pas, les Algériens sont pareils. Ils ne sont éduqués qu'une fois à l'extérieur du pays, parce qu'à l'étranger il y a des lois qui s'appliquent strictement ». Les gardes forestierss s'échinent à expliquer cette interdiction. « Le fait de donner de la nourriture aux singes contribue à détruire son régime alimentaire mais aussi à les rendre moins farouches et donc à devenir une proie plus facile pour les braconniers », précisent-ils. L'autre fausse note est la non-mise en service du télésiège et du téléski. « Les deux stations sont à l'abandon depuis des années », signale un agent sur place. Mais malgré cet état de fait Tikjda n'a pas brûlé toutes ses cartes. Elle continue à user de son charme pour attirer les estivants. Elle le fait bien d'ailleurs. Témoignage : Un goût d'inachevé Tikjda offre son hospitalité à tout le monde, sans distinction. S'y côtoient hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, touristes étrangers. Ils sont venus tous admirer la beauté des paysages. Des familles, des couples organisent des pique-niques en pleine nature... une véritable bouffée d'oxygène et de détente. Tout ce beau monde se jette, sans calcul aucun, dans les bras de Dame Nature. « C'est très beau ! », « sublime ! », « une beauté naturelle ! ». Siham, une bejaouie, ne peine pas à trouver les mots qui décrivent le site. C'est la première fois qu'elle met les pieds à Tikjda. Et pour une première, ce « fut un coup de foudre ». Elle s'est dit émerveillée par le décor verdoyant. Son époux, Salim, originaire de Bouira, connaît l'endroit. Il est moins enthousiaste. Et pour cause, le lieu a beaucoup changé depuis les années 1980. Première impression ! « Il a perdu de son charme, la forêt a complètement disparu », charge-t-il. Et sur le plan organisationnel, il décèle beaucoup de carences. Salim évoque l'inexistence de tables au niveau de la forêt et le manque flagrant de robinets d'eau. Il remarque aussi et surtout la dégradation de l'endroit. « Le lieu n'est pas propre. Les sachets, les bouteilles en plastique et les restes de nourriture envahissent toutes les places. Il n'y a pas une place où on peut s'asseoir tranquillement. Je connais l'endroit, je suis de la région, je sais de quoi je parle », constate-t-il. Le constat de Salim pourra-t-il changer l'avis de Siham. Eh bien non... « L'endroit est magnifique », tranche-t-elle. Siham songe à y revenir au cours des prochains jours. Mieux ! Elle fera tout pour vendre l'idée à des amies. Lakhdar est un autre vacancier, la quarantaine. Il est originaire de Bouira. C'est la première fois qu'il vient en famille. Lui, c'est un habitué du site. « C'est sur insistance de ma femme que je suis venu ici. Elle veut découvrir la pureté de l'air et la beauté naturelle de Tikjda », dit-il. Tout comme Salim, Lakhdar note que l'endroit a perdu de son lustre d'autan. « Il y a quelques années, le site grouillait de monde. Il était impossible de trouver une place vide. Aujourd'hui, Tikjda est en perte de vitesse, notamment en été où les gens lui préfèrent la mer », raconte-t-il, non sans une pointe de tristesse. Il trouve anormal et incompréhensible que le site ne dispose pas de points de restauration au milieu même de la forêt qui pourraient rendre service aux estivants. « Les restaurants des hôtels sont chers pour les familles », indique-t-il. Reste que ce qui l'intrigue le plus, c'est l'insécurité qui règne au niveau de certain endroits, et de surcroît les plus beaux. « Le site n'est pas totalement sécurisé, notamment dans les lieux éloignés du Centre national des sports et loisirs. Les familles doivent faire attention en venant ici », met-il en garde. Tikjda n'attire pas uniquement les estivants algériens. Des étrangers sont également tombés sous ses charmes. C'est le cas de cette famille venue de l'Arabie saoudite. C'est son deuxième séjour ici après celui de l'année dernière. 20 ans à peine, Anis Abès livre ses sentiments : « C'est un lieu merveilleux. Nous sommes venus l'année dernière. Le site nous a laissé une bonne impression », dit-il. Ce qui l'attire à Tikjda, c'est surtout, « la nature, le calme, l'air pur est frais ». Sentence : « je serai là l'année prochaine », promet-il. Le Sud du pays est également représenté à Tikjda. Les familles Dekanou et Mellahi d'El Oued sont ici pour passer quelques jours de détente. « C'est les vacances. Nous ne pouvons pas espérer mieux que cet endroit paradisiaque. Ce qui me plaît, c'est surtout cette nature sauvage et cet air pur et frais. Nous sommes ici pour quelques jours et je suis certain que nous n'allons pas regretter ce choix », soutient l'un des membres de la famille. Contrairement aux jeudis où l'influence était souvent juste moyenne, les vendredis, c'est tout le parc hôtelier qui affiche complet, souligne M. Belkacemi. « Les estivants viennent de partout. D'Alger, d'Oran, de Bejaia et bien d'autres régions qui font de Tikjda leur destination la plus privilégiée. Souvent, durant les week-ends nous affichons complet », affirme-t-il. Ça promet... Tikjda s'engage à assurer un avenir meilleur aux estivants. La perle du Djurdjura promet un nouveau look, plus attrayant, plus séduisant, une fois que les projets, en cours de réalisation, livrés. Il s'agit de la réception d'un nouvel hôtel de haut standing. Les travaux sont exécutés à 70%. Un autre projet important est aussi prévu. Il s'agit d'un centre médical sportif. Et pour rendre la baignade possible même au sommet du Djurdjura, une piscine semi-olympique est attendue. Comme il est question de réaliser une salle de sport polyvalente. Ce n'est pas fini, l'ancien terrain de football, « Asswell », va être pris en charge. La réalisation des remontées mécaniques est également inscrite sur les plans. Si les chantiers n'accusent pas de retard dans la réalisation, le site sera équipé à court terme de toutes les commodités nécessaires. En attendant, la réception de ces projets ambitieux, un détail doit être pris en charge. Il s'agit de l'ouverture d'une ligne de transport urbain. Ne dit-on pas que le diable se cache dans les détails. Aujourd'hui, pour se rendre à Tikjda, il ne faut surtout pas compter sur les bus. Et pour cause, il n'y a aucune desserte possible. Il faut ou bien prendre un taxi ou faire appel à un clandestin. « Nous sommes conscients de cette situation qui présente un handicap majeur. Nous avons interpellé à plusieurs reprises les responsables concernés pour l'ouverture d'une ligne de transport de bus, mais toutes nos tentatives sont restés lettre morte », regrette Belkacemi. En matière de tourisme, Tikjda a tous les atouts à faire valoir. Avec les six mois d'hiver et les 3 mois d'été, elle dispose des avantages des deux saisons. « La moyenne du taux d'occupation du site est de 80% », signale Belkacemi. Mais cela fluctue. « Il y a des moments où c'est le rush et d'autres, non. Ça change d'un jour à l'autre, d'une semaine à l'autre. La semaine dernière, le site a accueilli 220 athlètes. Alors que le jeudi, c'était relativement moyen », explique-t-il, avant d'annoncer que le centre a lancé une réduction de 20% sur ses tarifications, valable pour la période août, septembre et octobre. Entretemps, au siège de la wilaya de Bouira, des individus, la centaine, protestent contre la liste des bénéficiaires de 500 logements sociaux. Pas moins de 1.500 recours ont été déposés. Les protestataires menacent de se déplacer à Alger si le wali ne rectifie pas le tir. Bouira qui souffle le froid... elle souffle, aussi, le chaud.