Le congrès de Nidaa Tounes, tenu avant-hier et hier à Sousse, scelle la division du parti. 17 députés ont officiellement démissionné du bloc parlementaire qui compte 86 membres. 42 éléments du bureau exécutif vont quitter le parti. L'intervention du leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a été fortement applaudie au congrès de Nidaa Tounes, lorsqu'il a déclaré que Nidaa Tounes et Ennahdha étaient «les deux ailes du pigeon qui fait voler la Tunisie». Ghannouchi a insisté dans son allocution sur «le besoin en Tunisie d'un Nidaa Tounes fort et uni, assurant avec Ennahdha la stabilité du pays et la réussite de la transition». La présence de Ghannouchi au congrès de Nidaa Tounes a été très médiatisée, plus même que celle du président-fondateur de ce parti, Béji Caïd Essebsi, pourtant président de la République. Cette médiatisation s'explique par le fait que «c'est le rapport à Ennahdha qui divise Nidaa Tounes», selon le politologue Slaheddine Jourchi. «Alors que Rached Ghannouchi est applaudi à Sousse, c'est la défense d'un projet sociétal moderniste, différent de celui d'Ennahdha, qui est à la base de la création d'une nouvelle entité politique, dérivée de Nidaa Tounes», explique-t-il. Parallèlement au congrès de Sousse, le secrétaire général démissionnaire, Mohsen Marzouk, a réuni au Palais des congrès à Tunis près de 5000 personnes, venues de toutes les régions du pays. Marzouk refuse l'idée de ces «deux ailes», évoquée par Ghannouchi. «Nous voulons voler de nos propres ailes», insiste-t-il. Il a annoncé la mise en place d'une concertation nationale, qui va aboutir à l'installation des fondements politiques et organisationnels d'un projet patriote et moderniste, annoncé pour le 2 mars prochain, date fétiche rappelant la création, le 2 mars 1934, par le leader Habib Bourguiba, du Parti libre destourien, après la scission avec l'ancien Destour. Lors de son discours, Mohsen Marzouk a appelé le président de la République, Béji Caïd Essebsi, à participer au lancement de son parti le 2 mars prochain, «puisqu'il est le président de tous les Tunisiens». Dissidence avérée L'ex-secrétaire général de Nidaa Tounes a indiqué que «le prochain défi de son parti est la participation aux élections municipales», en précisant que le bloc parlementaire, créé par les démissionnaires de Nidaa Tounes, travaillera de «manière indépendante». Par ailleurs, la députée démissionnaire Khaoula Ben Aïcha a précisé que 17 de ses confrères ont déjà rallié le clan des contestataires et démissionné du bloc parlementaire de Nidaa Tounes à l'ARP et vont également démissionner du parti. «Le nombre total de démissions du bureau exécutif s'élèvera à 42, sur les 180 membres de cette instance», indique la députée. Malgré l'absence du clan du secrétaire général démissionnaire, Mohsen Marzouk, les tensions étaient très perceptibles dans le congrès constitutif de Nidaa Tounes à Sousse, présidé par Rafaâ Ben Achour, juge à la Cour africaine des droits de l'homme et homme de confiance du président Béji Caïd Essebsi. «Il est clair que six semaines ne suffisent pas pour élaborer les grandes décisions d'un congrès comme celui de Nidaa Tounes. Mais, la commission des 13, chargée de préparer le congrès, a fait ce qu'elle a pu pour réunir le plus large consensus possible», souligne la députée Bochra Belhaj Hamida, qui a longtemps hésité avant de rejoindre les congressistes. Elle a fait partie du groupe des 32 députés qui ont démissionné le 3 novembre dernier du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, avant de se rétracter et d'entrer en négociations avec la commission des 13, chargée de préparer le congrès constitutif. Tensions à Sousse Les tensions au congrès de Sousse ne se sont pas limitées aux questions des clans politiques. La séance d'hier matin a été suspendue suite aux protestations d'une frange de congressistes, notamment des jeunes qui refusent les compromis passés entre les «éléphants» du parti. L'un de ces jeunes, Rami Gourria, jeune militant de Nidaa Tounes, originaire du Kef, évoque trois revendications : «La création d'une organisation des jeunes de Nidaa Tounes, la fondation d'une académie de formation politique et l'attribution de 30% des postes aux jeunes de moins de 35 ans.» Alors que nous mettons sous presse, les deux premières revendications seraient en passe d'être approuvées mais pas la troisième. Concernant la nouvelle direction, le suspense bat son plein, surtout concernant la structure devant diriger le parti. Il y a un consensus autour de Hafedh Caïd Essebsi comme directeur exécutif, un poste à cheval entre l'organisationnel et le politique, selon le règlement intérieur. Toutefois, les divergences se poursuivent concernant le reste de la structure. Une première proposition évoque un directoire formé de six secrétaires généraux qui se succéderont jusqu'au congrès électoral du 31 juillet prochain. Le directoire dirigera le parti avec un bureau politique formé de 15 membres. Une autre proposition évoque la désignation de 17 membres pour former le bureau politique du parti.