Depuis un certain temps, le lecteur a appris l'idée des pouvoirs publics de construire une grande mosquée à Alger. Le projet de faisabilité serait terminé et les études techniques de suivi, lancées sous forme d'appel d'offres national et international. Un bureau d'études étranger a même été désigné déjà à cet effet. Le projet est donc avancé et la pose de la première pierre ne serait plus qu'une question de jours ou de semaines. L'Etat veut véritablement donner un cachet particulier à cet édifice religieux dont la grandeur et la somptuosité rivaliseraient avec les édifices de même type existant dans le monde musulman. Cependant, les grandes et somptueuses mosquées existantes ont été construites du temps de la grandeur de l'Islam, il y a plusieurs siècles de ça. A une exception près, celle de Fès au Maroc, édifiée sous le règne de Hassan Il dans les années 1990. Ce roi, en tant que commandeur des croyants (sic), voulait, comme tout monarque absolu, marquer son règne et laisser son empreinte dans la société de la même manière que certains anciens khalife et autres sultans. Mais en Algérie, nous sommes en République et au XXIe siècle ! En République démocratique, populaire et moderne. Je dirais donc ici tout haut ce que tout le monde (hors islamiste) pense tout bas. Il faut le dire et le répéter : c'est, sans aucun doute, un investissement de prestige. Voila un projet qui va coûter cher au budget de l'Etat, même si des participations et autres aides du public seront sollicitées. Est-ce qu'il constitue une priorité dans les circonstances actuelles : Etat de ni guerre ni paix qui coûte déjà cher au pays, sous-développement latent, chômage criant, dégradation du cadre de vie, dégradation de la gestion des rouages de l'Etat, démographie incontrôlée, corruption généralisée, état de déliquescence profond des services publics, visible dans chaque coin et recoin du pays : les villes notamment qui se dégradent de plus en plus finissant par apparaître comme d'immenses bidonvilles parsemés d'immeubles, villas et autres constructions anarchiques, sans humanisme, sans esthétisme urbanistique, avec des architectures débridées et des plans directeurs jamais arrêtés définitivement. Aussi, est-ce que c'est le rôle de l'Etat de construire des édifices religieux et de ce fait, la question du projet de société que nous voulons édifier en Algérie se repose de nouveau. Voulons-nous un Etat laïc ou un Etat religieux, car il n'y a pas d'autre alternative. Voilà la véritable question qu'on doit trancher et que les pouvoirs publics doivent trancher, mais disons-le haut et fort : point d'Etat religieux à notre époque. Nous sommes au XXIe siècle et nous vivons dans un monde moderne et civilisé. La roue de l'histoire tourne. On ne peut retourner en arrière. Nous avons suffisamment de mosquées et Alger en compte, à elle seule, des centaines. Notre Islam est pur et solide mais il est tolérant. Le peuple et la jeunesse en particulier ont besoin d'autre chose pour s'épanouir : entrer de plain-pied dans l'ère moderne, le monde de la science et de la technologie. Par ailleurs, la nomination projetée d'un muphti de la République relève de la même nature. Que peut apporter de plus un haut muphti dans le domaine religieux. Du point de vue administratif, il aura le rang de haut fonctionnaire, avec un budget spécifique, honneurs et avantages dûs à son rang et à sa haute fonction. Et dans ce cas, pourquoi conserver un ministère des Affaires religieuses et ses démembrements régionaux. Il ne faut pas oublier aussi que c'est depuis la séparation de la religion de l'Etat, à la fin du Moyen-âge, que le monde occidental s'est développé et modernisé. Et nous voyons aujourd'hui ce qu'il est devenu, ce monde occidental, et pourquoi notre jeunesse, dans sa grande majorité (même les non-instruits) essaient de le rejoindre pour y vivre tout simplement. Nous avons aussi l'exemple d'un grand pays musulman (la Turquie) qui a aboli le sultanat (Empire ottoman), instauré la République laïque en 1924 et changé (d'autorité) les habitudes de ses citoyens, que ce soit du point de vue comportemental, vestimentaire que du mode de vie. Pour terminer, la religion musulmane s'est implantée dans ce pays depuis près de 15 siècles et tout allait bien jusqu'à ces derniers temps avec l'apparition de l'islamisme politique. Nous disons, enfin, que nous n'avons besoin ni d'un Mehdi ni d'un Ayatollah. A bon entendeur.