L'université et le secteur socioéconomique (SSE) ne se reconnaissent pas.» Le constat est d'autant plus affligeant qu'il émane de plusieurs intervenants issus du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Lors de son intervention sur la relation université-SSE, le Pr Abed établit un constat général peu reluisant sur les entraves et difficultés qui empêchent la coordination des efforts entre les deux secteurs. Méthodiquement, il énumère, par aspect, les blocages recensés. En matière de réglementation, l'orateur regrette la lenteur dans la mise en place des lois promulguées et la faible application des textes. Dans l'aspect organisationnel, le conférencier cite l'absence de partenariat entre les deux secteurs, la faible corrélation entre l'offre et la demande en matière de formation, l'inexistence de structures qui peuvent servir d'interfaces entre les établissements du supérieur et les entreprises ainsi qu'une gestion des conventions (entre les deux parties) non orientée vers la compétitivité. En matière de financement, le constat de M. Abed fait état de la faiblesse de l'exploitation des mesures existantes et l'absence d'un soutien systématique orienté vers les filières stratégiques. Mais, ce qui motive le plus la première déclaration sur la «méconnaissance mutuelle» entre les deux secteurs est certainement la timidité de la communication qui reste le maillon faible des pouvoirs publics. Pour étayer son constat, le Pr Abed fait valoir les données enregistrées récemment, lors d'une enquête réalisée auprès de 120 entreprises. Selon cette étude, seules quelque 40% des entités socioéconomiques questionnées affirment avoir impulsé un rapprochement avec les établissements du supérieur. S'agissant des types de relations, il est précisé que 22% l'ont fait par le biais de conventions et 12% via des relations personnelles. A la question précise : «avez-vous exprimé un besoin en formation», 87% des opérateurs ont répondu par la négative. Plus triste encore, seuls 40% de ces entreprises sondées disent intégrer les étudiants lors de stages pratiques au sein de leurs structures. Malgré ces résultats peu rassurants, l'orateur reste positif en annonçant qu'un tiers des institutions universitaires ont contracté des relations avec le SSE. 90% de ces accords ont été signés avec une quinzaine d'entreprises, dont les 4/5es issues du secteur public. «On ne part pas de zéro», assure-t-il. Lors de l'atelier n°2 consacré à la relation entre l'université et le SSE, le modérateur, qui reprend les résultats de la même enquête, informe que 90% des entreprises questionnées certifient avoir recruté des diplômés issus du système LMD. Mais qu'est-ce qui entrave en fait la coordination des efforts entre les deux mondes ? Des différentes interventions, il ressort que le malaise est dû à un contexte général très complexe. Les entreprises et acteurs du SSE reprochent à l'enseignement supérieur des formations trop académiques, une recherche scientifique trop fondamentale, l'absence d'actions de production, d'innovation... Quand aux universitaires, ils dénoncent l'absence de données chiffrées et réelles sur le SSE, le manque de cadres opérationnels ainsi que le défaut d'ambitions en matière d'innovation. Rappelons qu'actuellement, le pays compte quelque 900 000 PME qui capitalisent plus de 2 millions d'emplois. Un petit calcul mathématique démontre que ces entités restent des petites structures presque familiales qui ne voient pas l'importance d'intégrer les facteurs «savoir», «innovation», «créativité». «Ce sont des consommatrices de technologie. Ces PME ne pensent même pas à améliorer leur rendement ou exporter leurs produits», regrette un intervenant. Pourtant, depuis l'installation du système LMD et après moult réglages et audits, l'enseignement supérieur a tenté de mettre les rudiments d'une ouverture vers le SSE : création de maisons de l'entrepreunariat, de bureaux de liaison entre l'université et l'entreprise, de centres de carrière, d'observatoires. Elle a tenté de professionnaliser les formations en installant des filières à recrutement national, des instituts technologiques, des mastères en collaboration sectorielle et des mastères à cursus intégré en licence. Malgré cela, la dynamique peine à démarrer. Et les acteurs du SSE sont appelés à se rapprocher des universités pour proposer des formations, intégrer les stagiaires et proposer des sujets de recherche en relation directe avec leurs besoins. Lors d'une conférence de presse organisée en marge des travaux de la conférence nationale des universités élargie au SSE, le ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, a insisté : «Nous avons associé les représentants du SSE dans l'évaluation du système LMD. Nous voulons qu'ils soient des associés. Qu'ils présentent leurs besoins en matière de profil et de formation et à notre charge de les concrétiser dans les programmes». Par ailleurs, le ministre invite les établissements universitaires à s'impliquer dans leur environnement immédiat. «Il faut que chaque établissement aie sa propre politique et impose son existence locale, régionale puis nationale. Chaque université doit avoir son projet d'établissement», décrète-t-il. Vaste programme.