A ïn Beïda, la rue Abbès Laghrour, appelée communément « route de Khenchela », se transforme durant le mois de Ramadhan en véritable marché à ciel ouvert. D'aucuns ne manquent pas de lui coller un surnom, somme toute sympathique. Ils la dénomment « trik essaïmine », parce qu'elle charrie du matin au soir un monde fou de badauds, de curieux, de chalands, en quête de nouveautés, ou tout simplement cherchant à tuer le temps. Pour nombre de ménages, le mois de Ramadhan constitue une occasion idoine de verser dans le commerce, en vue d'arrondir les fins de mois du père. C'est donc le mois de la débrouillardise. Il n'est pas rare de voir des enfants proposer des feuilles de bourak, des sachets de flan, de la halwa turque, des gâteaux fabriqués à la maison. H'rissa, baklaoua, k'tayef et autres douceurs donnent l'eau à la bouche et éveillent l'envie des plus récalcitrants parmi les chalands. Durant ce mois, les pâtissiers rivalisent d'imagination pour appâter le plus de clients possible. Ils arrivent quand même à écouler de grosses quantités de gâteaux à base de miel, fleurant la vanille, le caramel et d'autres notes exotiques. Les boulangers se sont mis aussi de la partie pour fabriquer des pains de toutes formes ; des couronnes, des pains tressés, des galettes garnies de grains de sésame, des brioches enrobées de chocolat et que sais-je encore ! Mais ce qui a le plus la cote, c'est la zlabia, cette pâtisserie traditionnelle que le mois de carême met au devant de la scène. Jeunes et vieux en raffolent. Et puis, il y a les autres marchands, ceux des quatre saisons qui proposent tous les fruits de saison et des dattes. Tout, en fait, attire le potentiel client, titille son odorat et l'enivre. Bien avant l'Adhan, la rue se vide de ses chalands et de ses badauds, qui, toute la journée ont musardé ici et là en quête d'extravagantes choses. Même si le mois sacré du Ramadan est le mois le plus cher de par ce qu'il nécessite comme excessives dépenses, il reste le plus attendu … surtout par un faune de commerçants aux appétits gargantuesques.