Rencontré jeudi soir dans les coulisses de la salle Ibn Zeydoun, à Alger, le virtuose du violon et leader de Jarka, Khalil Baba Ahmed, revient sur la genèse et les aspirations du groupe tlemcénien. C'est votre baptême du feu sur une scène algéroise... Effectivement, c'est la première fois que nous nous produisons dans une salle algéroise. Nous sommes tous contents d'avoir cette chance pour lancer ainsi de notre premier album Sabil à Alger. Pourriez-vous revenir sur la genèse de votre groupe Jarka ? Le groupe Jarka est originaire de Tlemcen et se produit dans cette même ville. Le groupe a été créé en 2006 par 9 fidèles musiciens. De 2003 à ce jour, il a, bien entendu, connu plusieurs événements. Il y a eu des moments où l'on a arrêté et d'autres où l'on a repris. En 2006, nous avions dix ans de moins. Nous étions plus jeunes. Cette époque coïncidait avec le lancement de notre carrière professionnelle, la fin de nos études et notre changement de vie familiale. Nous étions obligés, à un moment donné, d'arrêter notre activité et nous séparer. Notre objectif n'était pas de réaliser un album et de rentrer dans ce mécanisme professionnel. Nous nous sommes séparés un laps de temps pour mieux nous retrouver. Il y a eu plusieurs décisions qui ont été prises par rapport au style qu'on devait jouer et comment développer tout cela et essayer, surtout, de construire, à travers notre musique, une histoire et une identité musicales. Le groupe a été mûrement baptisé Jarka. C'est très représentatif. Nous sommes bien engagés dans cette cause. Les éléments du groupe Jarka sont sensibles et mobilisés par rapport à toutes les valeurs que nous retrouvons dans notre richesse patrimoniale immatérielle. Nous nous identifions par rapport à ce mot Jarka qui veut dire un mode de musique andalouse. Notre choix a été fait, car notre premier morceau a été composé dans ce genre. Cela nous va tout à fait. Jarka est dans notre cadre, mais nous sommes extravertis à d'autres horizons. C'est notre vision. Celle-ci est d'ailleurs partagée par beaucoup de jeunes Algériens. Notre groupe propose un voyage musical à travers l'Algérie avec un brassage stylistique qui va de l'Est à l'Ouest, en passant par le Sahara. En même temps, nous ouvrons les frontières. Tantôt nous sommes dans les années 1980 avec du groove, tantôt nous passons au funk, au celtique, au reggae, mélangé avec le raï. C'est très représentatif de la sphère musicale. C'est par rapport à cette identité musicale qu'on essaye de se construire actuellement. Je dirais que l'identité musicale algérienne est en train de se reconstruire, et ce, vu le passé que l'Algérie a subi. Nous sommes en train de faire une identité musicale, d'où l'émergence de tous ces groupes musicaux algériens. Votre album Sabil a été enregistré en 2013, mais vous n'en faites la promotion qu'aujourd'hui ? Ce premier album a été enregistré, effectivement, en 2013. Dans Sabil, on parle de chemin. Dans cet album, nous retrouvons douze titres. Cela parle de l'histoire d'une jeune fille algérienne. On retrouve les titres de l'histoire en question dans la jaquette de l'album. Ce sont des titres représentatifs par rapport à cette histoire. Cette jeune fille parcourt l'Algérie, voyage en cherchant des réponses à une question qui la taraude : «Hal li ettalaki min sabil ?» Elle est partagée entre deux courants, la tradition et le modernisme. C'est une question existentielle par rapport à notre identité culturelle. Le groupe Jarka est, en lui-même, un acteur très actif dans la promotion du patrimoine culturel. Justement, comment définissez-vous votre musique, sachant que le chant est littéralement absent ? Nous faisons de la musique fusion. On peut se définir dans plusieurs catégories, mais notre particularité, c'est que nous ne chantons pas. Nous n'avons pas de texte. C'est très particulier comme concept musical. Notre message peut se diversifier et toucher une catégorie encore plus large. On peut vous faire un air musical et cela peut vous inspirer l'amour ou encore la nature. Notre travail est collégial. Nous nous basons sur des théories musicales que nous avons apprises tout au long de notre formation. L'expérience joue un rôle important. Parfois, on se repose sur des bases techniques et parfois, l'inspiration vient d'elle-même. Nous détenons plusieurs brouillons que nous comptons bien exploiter plus tard. Parfois, nous commençons un morceau sans le finir. Nous n'essayons pas d'imiter ou encore de nous imposer comme membre. Musicalement, on se respecte tous mutuellement. Quels sont vos projets futurs ? Nous comptons terminer la promotion de notre album qui vient tout juste de commencer. Nous nous sommes produits à Constantine, Tlemcen et Annaba. Nous aimerions bien assurer d'autres dates à travers la plupart des wilayas du pays et également montrer nos capacités musicales à l'international.