Un ouvrage qui résume dans sa globalité l'échec d'une approche dont l'objectif principal est d'aller vers le malade en lui permettant l'accès aux soins chez lui dans ses environs dans des établissements publics de santé de proximité. Une approche approuvée en 2007, mais qui n'a pas atteint les résultats attendus. Un constat que l'étude menée par l'équipe du Groupe de recherche en anthropologie de la santé (GRAS) d'Oran et coordonné par Mohamed Mebtoul montre bien en donnant la parole aux patients et aux professionnels de la santé. A travers cette étude qualitative et quantitative, les chercheurs ont ciblé deux régions, à savoir Oran et Tissemsilt, «très contrastées sur les plans économique, social et sanitaire, dévoilant ainsi les profondes inégalités territoriales», note-t-on. Revenant sur le fonctionnement des établissements publics de santé de proximité et leur mode de gestion, l'équipe de chercheurs révèle que la notion de proximité sociale semble ignorée. «Pris dans un engrenage administratif et politique, l'EPSP reste encore à la quête de son autonomie pour lui permettre d'orienter son regard sur l'accueil, les rapports instaurés avec la population qui attend d'être reçue dans la dignité et le respect de la sa personne». Une population, signalent les rédacteurs de l'ouvrage, déjà confrontée à une double inégalité, celle liée aux conditions socioéconomiques et par ailleurs à une autre forme d'inégalité liée aux rapports différenciés face aux soins. «On peut distinguer au moins quatre niveaux de préoccupation : un mode de fonctionnement au quotidien des services de soins de proximité souvent sélectif et qui classe les patients ''qu'on connaît'' et les ''autres'' anonymes, des interactions de ''défiance'' et de ''silence'' des acteurs locaux du système de santé de santé vis-à-vis des ''consommateurs de soins'', l'absence d'un ''arbitrage juste'' des responsables de la santé qui se limitent à un rôle abstrait et éloigné des préoccupations essentielles des patients. Enfin, dans cette analyse, il a été remarqué que les acteurs locaux de la santé ne s'identifient pas aux différents processus décisionnels toujours verticaux qui gèrent par injonction toutes les activités sanitaires dans les établissements de saanté», précise dans son commentaire de l'ouvrage le professeur Mustapha Bouziani, épidémiologiste de la faculté de médecine de l'université d'Oran. L'étude montre bien à travers ces deux régions l'ampleur d'un dysfonctionnement généralisé, la désorganisation, les mauvaises conditions de travail et d'opacité, le désengagement des professionnels de la santé de la gestion des structures. «C'est tout le mode de fonctionnement des services de soins de santé essentiels qui semble peu adapté aux exigences de la population. Il a atteint un degré de déliquescence élevé en raison, nous semble-t-il, de l'absence d'une réflexion profonde et d'une implication collective des acteurs de la santé soumis davantage à une logique centralisée et administrée qui réduit fortement les initiatives des uns et des autres», relève l'étude au chapitre II : Enjeux socio-sanitaires décryptés par la population. Cette dernière manifeste une totale insatisfaction dans le mode de fonctionnement des services de soins, l'absence d'interaction de proximité et de confiance entre les différents acteurs locaux de la santé, et l'absence de l'Etat sur le terrain. L'ouvrage de Mohamed Mebtoul propose, entre autres, quelques perspectives qui pourraient être d'un grand apport pour les pouvoirs publics, notamment le ministère de la Santé qui entend renforcer et redynamiser ses structures publiques de proximité. L'externalisation des soins est déjà une des actions engagées sur le terrain. Une approche lancée en 2008 et l'analyse que propose cet ouvrage montre bien les limites de ce système, lequel ne peut fonctionner sans une dynamique de santé horizontale et régionale en impliquant tous les acteurs de la santé, concevoir et mettre en œuvre collectivement un processus décisionnel qui soit l'objet d'une régulation sociale de proximité, fonctionnant du bas vers le haut, et non l'inverse, mettre en place des réseaux d'échanges professionnels entre les médecins de différentes régions . «Cet ouvrage, qui constitue une référence nationale sur le plan méthodologique en anthropologie de la santé, devrait, de notre point de vue, constituer une base de réflexion tant pour une meilleure réorientation de la gestion participative des établissements de soins que pour la promotion d'un processus de compréhension et d'amélioration des liens entre soignants et patients», résume le Pr Bouziani. Les soins de proximité en Algérie à l'écoute des patients et des professionnels de santé. Collection Santé &Société, coédition de l'Harmattan-Algérie et du Groupe de recherche en anthropologie de la santé (GRAS) sous la direction du Professeur Mebtoul Mohamed et soutenu par OMS/APOC.